Je suis allée en courant au supermarché, juste pour acheter des œufs et du fromage.
Pas besoin de jetons aujourd’hui ; un grand sac suffira. Mais je les ai aperçues, rebondies, joufflues, aguichantes. Non c’est trop lourd, trop volumineux, mon sac est trop petit…
Peut-être une portion ou deux ? Mais… c’est qu’elles ont l’air juteuses et sucrées !
Alors juste une tranche ! Mais ce n’est point une bonne affaire : plus du quart du prix pour un huitième de pastèque. Donc, je la palpe puis la prends toute entière, puis la cale tout au fond du sac, qui est maintenant tout distendu et lourd.
Je le traîne, à présent, comme un boulet, de rayon en rayon. Je n’aurai peut-être pas dû…
En passant je pourrai toujours la redéposer.
Mais mes courses terminées, je suis canalisée vers la caisse la plus proche, par une foule fébrile de retour des vacances, et me voilà ensuite traînant mon fardeau jusqu’au parking,
soulevant cet haltère improvisé et le déposant d’un coup sur le siège arrière.
A la maison c’est une autre paire de manches, car elle est bien trop grosse pour les clayettes du frigo familial, pourtant très imposant. Qu’à cela ne tienne, je la couperai en deux ; chose pensée, chose faite, mais combien laborieusement. Un film de protection et le tour est joué.
Le repas se termine, je sers le fromage et je vais chercher la coupe de fruits, y ajoute des Reines Claude et vais au réfrigérateur chercher une boisson fraîche et vois mes deux immenses joues de pastèque me narguant tout à fait.
Il fait plutôt frais aujourd’hui, mais c’est tout de même un fruit de saison.
Je range donc ma coupe de fruits.
Non, il faut écouler cela avant. Je l’apporte donc, sur un plateau avec un énorme couteau.
Les fruits attendront, je pourrai toujours aller les rechercher pour les plus difficiles.
Ma demi- pastèque, la plus mure et juteuse que j’ai goûté depuis longtemps est mangée en un clin d’œil.
Je m’entends alors dire,
_ Voulez-vous d’autres fruits ?
On me répond :
_ Oui, mais encore un peu de pastèque.
Tout en parlant, ma moitié de pastèque restante est avalée tout comme la première et l’on me félicite :
_La saison est terminée, c’est la dernière pastèque que nous mangeons sans doute, mais quelle pastèque ! Nous n’en n’avons jamais goûté d’aussi juteuse et sucrée. Vous avez toujours le chic pour trouver les meilleurs fruits. Où avez-vous donc déniché celle-là ?
Et je réponds, malgré moi :
_Chez mon maraîcher habituel.