Anesthésie Amour et Fantaisie par Jacqueline Patriarche
Société des Ecrivains
L’auteur nous entraîne dans le quotidien d'une vie d' infirmière dans les années 50. Notre héroine surnommée Françoise Lafleur est par sa philosophie de la vie le précurseur de travail, carrière, et libération sexuelle pour les femmes. Mais cette non-autobiographie se télescope étrangement avec la vie de l'écrivain, qui finit ses études d'infirmière d'Etat en 1952 et est affectée, cette année là-même à l'hôpital Necker.
En 1956, quand elle fait sa spécialité en anesthésie, les premiers diplômés, avant elle, pour cette spécialité furent des infirmières.
Nous pouvons en conclure qu'elle mena avec maestria sa carrière d’infirmière anesthésiste, en mettant un point d’honneur à ne perdre aucun malade. Et que, malgré une carrière où les vacances avaient peu de place, ne prit sa retraite qu’en 1991.
Elle écrit avoir beaucoup appris en écoutant les autres, ses parents en premier. Non pas leurs conseils, mais ce qui les avait fait réussir ou échouer dans la vie; se faisant rapidement ainsi une idée du monde. Ce qui la décida à devenir une femme libre, par ses études d’abord, par son travail ensuite et surtout dans ses amours.
Ce livre est avant tout un document d’anthologie qui décrit toute une tranche de vie de l’histoire de la médecine hospitalière. Une époque où rien n’était encore établi et où les infirmières devaient souvent jongler entre plusieurs hôpitaux. Une époque où l’on n’hésitait pas à remplacer les médecins par de simples infirmières quand venait l’époque des vacances. Et où celles qui voulaient travailler, enchaînaient plusieurs postes d’affilés, tout au long de l’année, et assurant leur service plusieurs jours à la suite. Elle avoue de n’avoir eu parfois que des temps de sommeil fragmentés. Mais que sa « bonne nature » lui permettait de s’endormir rapidement, même en position assise, quand son temps de repos était arrivé, même s’il ne durait que deux heures.
Rouquine affriolante elle ne dédaignait pas non plus un beau garçon. Sa vie menée avec entrain ne lui laissa aucun regret, surtout quand elle rencontra l’âme sœur.
Toutes ses vies s’enchevêtrent et se complètent. Comme un bâtisseur, elle a érigé la sienne, patiemment, pierre après pierre. Elle a connu tous les bonheurs et des périodes d’épreuve également. Mais elle a tout accepté, sans jamais baisser les bras et n’a jamais exigé de la vie ce qu’elle ne pouvait lui offrir.
L’écriture est fluide, comme coulant de source. Malgré le thème abordé, assez ingrat il faut le reconnaître ; celui de la médecine hospitalière, on ne perd pas un seul instant le fil du récit. On n’est pas tenté non plus, comme pour certains ouvrages du même ordre, de survoler certains passages. Et il est même difficile de refermer le livre avant de l’avoir terminé.
Chantal Sayegh-Dursus