« Le jardin des secrets » par Kate Morton édité par France Loisirs avec l’autorisation des Presses de la Cité (traduit de l’Anglais « The forgotten garden » par Hélène Collon).
Après La maison de Riverton, Le jardin des secrets, est le second roman de Kate Morton. Il a été publié en 2008. La facture de ses écrits va en s'améliorant.
L’auteur, Australienne, aînée de quatre filles, avait coutume d’inventer des Contes pour ses cadettes. Son passage à l’Ecole d’Art Dramatique de Londres lui a appris l'art du suspens. Elle nous offre ici la combinaison heureuse de ces deux talents. Et nous fait pénétrer dans le monde secret et l’univers fantastique de l’enfance, alimenté de secrets cachés et de Contes magiques. Ce roman est une énigme qu'essaie de résoudre Nell, maintenant grand-mère, à partir de ses souvenirs flous de petite fille de 4 ans. Ce monde perdu s’ancre au plus profond de l’Australie des origines où chaque enfant fut souvent une énigme posée. Notamment quand, après la seconde guerre mondiale, de nombreux orphelins de guerre Anglais y furent expatriés afin de repeupler des régions entières. Ce fut ainsi toute une génération aux origines spoliées. En mots simples, en s'appuyant sur la recherche d'une identité, elle nous révèle ce traumatisme qui détermina souvent la quête de nombreuses vies.
L’histoire s’articule comme une Saga où plusieurs générations qui se cherchent, se retrouvent enfin. C’est une longue piste où les autres, simples spectateurs ou acteurs à part entière apportent une note à cette partition, composée de secrets de famille. Et comme pour encore brouiller d’avantage les cartes, les destinées semblent s’entremêler. Rose Mountrachet et Nathaniel Walker qui semblent, par exemple, être les parents de Nell. Mais le sont-ils réellement ? Et Nell s’appelle-elle vraiment Nell ? Car Hugh et Lil ses parents Australiens ont su lui faire oublier qu’elle fut retrouvée un jour de 1913 sur les quais du port de Brisbane. Cependant, quand elle se retrouve dans « le jardin des secrets »de son Angleterre natale, les souvenirs longtemps enfouis remontent peu à peu en surface.
Sa petite fille Cassandra saura-t-elle y déchiffrer les traces qu’elle lui a laissé en Cornouailles, reprendre sa quête jusqu’où elle l’a menée, et surtout découvrir ce qu’elle n’a fait que pressentir et esquisser. Les oiseaux et les plantes du jardin magique de Blackhurst sauront-ils la guider ? Saura-elle déchiffrer les traces des ancêtres et découvrir ce que Nell, l’antiquaire a voulu lui léguer.
L’amour exacerbé et égoïste semble ici mener toute une famille à sa perte. On peut même parler de lignée maudite. L’amour incestueux et démesuré de Linius pour sa sœur Georgiana, contraint cette dernière à la fuite. Puis, après le meurtre de son mari, à se cacher et vivre dans la misère la plus sordide dans un des quartiers les plus glauques de Londres, où la logeuse, véritable Thénardier anglaise, jouera une part néfaste dans la destinée tragique de ses enfants. Cet amour contre nature de Linius va également l’amener à mépriser sa femme Adeline et va conduire celle-ci à transformer cette frustration en un amour démesuré pour sa fille Rose ; ce qui entravera le bonheur de cette dernière et la conduira indirectement à sa perte. Les basses œuvres des hommes de main de ces handicapés de l’amour signeront les meurtres les plus horribles et achèveront de brouiller les cartes de cet écheveau familial déjà compliqué.
Ce qui pourrait pris, au prime abord pour un roman de l’été, révèle être bien plus que cela, grâce à la richesse et la vivacité de sa plume.
« Finalement, l’automne parut se rendre compte qu’on était en Septembre. Il repoussa dans les coulisses les derniers jours de l’été tardif et, dans le jardin clos, de longues ombres s’étirèrent en direction de l’hiver. La terre était jonchée de feuilles orange et vert pâle, et au bout des branches froides, les marrons pendaient fièrement dans leur manteau de piquants. »
Ce vocabulaire imagé, ainsi qu’un travelling incessant, lors des différents paragraphes, d’une personne à l’autre, d’une période à l’autre, d’un pays à l’autre, nous fait vivre cette histoire « in live » minute après minute. Chaque détail est une énigme qui se dévoilera quelques chapitres plus loin. Chaque Conte est la bouffée d’oxygène qui dénoue les secrets les plus insondables. L’histoire tient du Roman Policier. Ce qui fait que l’ouvrage nous garde en haleine jusqu’au bout, et mériterait d’être adapté, sans grands changements d’ailleurs, en version cinématographique.
Chantal Sayegh-Dursus