INTERSTITIELLES par Jean-François Blavin publié en 2006 aux Editions d’Ici et d’Ailleurs.
Jean-François Blavin dans son recueil, Interstitielles se livre à un exercice périlleux, où il approche avec bonheur et pour notre plus grand plaisir l’art si épuré des haïkus, sans pour autant se plier entièrement à ses règles.
Il nous apparaît comme un gourmet des instants de vie fugitifs de la scène parisienne. Nous l’imaginons fort bien, armé de son petit calepin, assis à la terrasse du café « Hall 1900 », comme il le dévoile à la fin du Recueil ; brossant d’un trait vif et lapidaire les menus instants du quotidien de « l’hominus parisianus ».
La fraicheur, la spontanéité et la simplicité du style feraient oublier qu’il est reconnu depuis de nombreuses années, car ayant également publié, Frégates folles et Où est le sens, en 1998, Ravines du Ciel en l’an 2000, couronné cette même année du Prix René-Guy Cadou par la Société des Poètes Français, Laudes solaires pour Laure en 2002, Odyssée des âmes citadines en 2005, et Le Charroi des lisières en 2008. L’Académie de la Poésie Française lui a, en outre, décerné Le Prix Léopold Sédar Senghor pour la qualité de l’ensemble de son œuvre.
Ces poèmes, instants de vie, croqués sur le vif, n’ont pas de titre. Mais, dès les premiers lignes, le décor est planté ; et les trois derniers vers viennent en épilogue. Car souvent seul le sens nous guide. Et nous passons d’un poème à l’autre, comme si l’artiste insomniaque, se réveillait par à coups, juste à temps pour saisir au passage l’ambiance du jour, du moment, ou croquer l’homme qui passe. Tout comme dans le rêve, certaines images, semblent s’évader de l’instant, du contexte, et pénétrer dans le « Stream of Consciousness » [courant de pensée] si cher aux Anglo-saxons. Car comme par association d’idées, une pensée lui en amène une autre :
« Prémices du jour
Quand la ville attend sa fête
Au jour d’Oradour »
(…)
« Combien ils furètent
Les fins limiers
Jusqu’où cette quête ? »
Nous avons également un clin d’œil d’une journée passée au Palais de Justice.
« Emoi du prétoire
Envoi des effets de manche
Flottants, Vertu ! Voire... »
De cette terrasse de café, où il est témoin d’une humanité de passage, ses mots deviennent alors peinture du fugace et du dérisoire :
« Ivre de jactance
En sa folle ébriété
Il se fait confiance
Derrière sa vitre
Le laveur livide, muet
Regarde le pitre »
Ou encore, plus coquin :
« La musique accompagne
L’émoi de l’adolescent
A l’abri du pagne
S’aura-t-il aimer
La pépite des bas-fonds
Par ce clair été »
Chaque poème émet une pensée, une réflexion, qui nous entraîne au-delà du visuel, vers le sens de la vie. Car Jean-François Blavin se pose en éthologue observant la fourmilière, où tout ce qui paraît essentiel, se révèle, sous sa plume, dérisoire.
Il faut se souvenir qu’il est également Conteur et Liseur. S’il aime partager, il adore aussi découvrir et faire découvrir. A l’Association des Poètes « Du côté du Pont Mirabeau », chaque dernier Vendredi du mois, il reçoit et présente d’autres confrères. Et souvent le Samedi, avec d’autres « aficionados », ils se réunissent pour lire leurs dernières créations. Car créer est, pour eux avant tout, jeu et plaisir.
Le petit livret couleur crème d’une quarantaine de pages a été préfacé par Maurice Lestieux qui nous révèle, avec brio, quelques unes de ses pierres précieuses.
Chaque poème est illustré par un dessin évocateur, réalisé à l’encre de Chine par Nicole Durand, co-directrice tout comme Jean-François Blavin et Nicole Barrière de l’Association des Poètes « Du Côté du Pont Mirabeau ».
Dessin de Nicole Durand
Chantal Sayegh-Dursus