En juillet 2009, une Journaliste Soudanaise Onusienne, Loubna Hussein, est menacée de 40 coups de fouets pour avoir osé porter un pantalon au restaurant, mais la sentence est finalement réduite à 200 $ d’amende.
Cette histoire me ramène à mes années Lycée. Car dans mon Établissement, le port du pantalon était interdit aux femmes, mais je l’ignorais.
C’est mercredi, jour de Contrôle, Contrôle d’Espagnol très exactement. Je me dépêche, et cours. Il ne faudrait pas que je sois en retard. Cette note figurera dans mon dossier scolaire ; celui du Baccalauréat. Brusquement surgit d’une classe, l’un des Surveillant Généraux ; celui que nous surnommons tous Eliott Ness. Il me barre tout à coup le chemin. Tout en me toisant du regard, il éructe soudain d‘une voix forte :
« Qu’est-ce que c’est que cette tenue ? Vous êtes priée d’aller vous changer immédiatement. Le pantalon n’est pas autorisé pour les femmes, et seuls les garçons de ce Lycée sont autorisés à en porter ».
Pourtant mon pantalon en alpaga rose, ligne cigarette est plus correct que mes mini-jupes habituelles, « Bonne-maman », mon Censeur le plus strict, me l’a bien confirmé lorsque j’ai quitté la maison. Pour une fois elle n’a pas interpellé ma mère :
« Constance, ta fille quitte la maison presque nue ! »
Une amie me souffle à l’oreille :
« J’habite à deux pas. Si tu le désires, je puis te prêter l'une de mes jupes ».
Mais je n’ai pas encore digéré cette atteinte à ma liberté ; à ma liberté de choisir un pantalon, une robe ou une jupe.
Un autre camarade me murmure:
« Le Surveillant Général est parti, il rentre certainement chez lui, maintenant qu’il a bien rempli sa journée. Ne t’en fais pas. Il n’est plus là ! ». L’hésitation me fait vaciller. Et puis cette histoire de pantalon me paraît totalement saugrenue, alors que des professeurs femmes portent des décolletés allant jusqu’au bas du dos. Je balaie d’une pensée positive cette intrusion inopportune et pénètre dans ma classe. Qu’est-ce que c’est que ces histoires de chiffons ? Moi j’ai un Baccalauréat à passer.
Le lendemain, tenu comme un Trophée, je reçois des mains du Censeur un Billet de Consigne pour 4 heures de retenue :
« S’est présentée au Lycée dans une tenue non autorisée et s’est refusée de sortir pour l’améliorer ».
Je m’imaginais en tenue osée, le nombril à l’air, en short moulant, pénétrant dans l’enceinte de ce Lycée. Mais un chemisier doublé en dentelle, un pantalon ligne cigarette en alpaga rose et des escarpins vernis noirs. Mais où se trouvait donc l’indécence ?
Le jour de la consigne, le Censeur me présenta avec un air compassé le sujet du devoir sur lequel je devais plancher pendant quatre heures durant :
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Quèsaco ? Qu’est-ce que la science a à y faire ? Et mon âme dans tout cela ? Il est vrai que tu temps du Christ le pantalon n’avait pas été inventé et hommes et femmes se promenaient en grandes djellabas blanches. C’était certainement plus pratique, notamment pour la ventilation, car il devait faire assez chaud en Galilée. Je me vois me torturant les méninges pour finalement en extirper Nagasaki et Hiroshima. Il est peut-être probable que gêné par un pantalon trop serré, celui qui inventa la bombe aurait mieux fait de porter un kilt.
Mon Bac obtenu, cette histoire de pantalon ne resta dans mon esprit que comme une contrariété obligée, qui m’avait assurément motivée pour ne plus remettre les pieds au Lycée.
Mais mes camarades ne l’entendaient pas de cette oreille. A la rentrée de 1970, toutes les filles du Lycée Gerville Réache de Basse-Terre vinrent à l’École en pantalon et l’interdiction fut levée.
Suffragette malgré moi. Le droit à la braguette pour tous et pour toutes...
Donc journaliste soudanaise onusienne, trente neuf ans après, ta lutte n'aura pas été vaine, même si une sentence aussi imbécile que celle qui m’échut fut prononcée à ton encontre. Car nul Écossais ne fut interdit de circuler en kilt hors d’Angleterre que je sache…et nul n’interdit non plus jamais à Jean-Paul Gaultier d’inonder la planète de ses jupes pour hommes, bien que ce soit généralement un apanage qui nous est réservé...
Une Chienne de Garde sans frontières.
Chantal Sayegh-Dursus