[21] Mon Bac
L'on était en février et je devais passer mon baccalauréat au mois de juin. Ma scolarité ayant été très laborieuse je devais m’y appliquer sérieusement.
Je pris avis auprès de mes aînés, anciens potaches des années précédentes, et eus pléthore de conseils de tout ordre.
Celui-ci commençait à travailler à quatre heures du matin et ne se couchait pas après dix neuf heures, car il était du matin. Tel autre prenait un copieux petit déjeuner et des œufs à la coque et plusieurs petits encas tout au long de la journée. Un autre ne buvait pas moins d’un litre de lait par jour ainsi que deux bouteilles de bière noire sucrée sans alcool.
Enfin les recettes et les conseils étaient aussi nombreux et variés que les individus.
J’en retins cependant quelques unes : Ne se fier à aucun des cours que j’avais en ma possession ; les lire, simplement pour information. Me faire des fiches personnelles sur tout le programme de l’année à partir des livres. Acheter des quizz et les apprendre sur le bout des doigts. Réviser le lendemain ce que j’avais appris la veille. Faire tous les exercices du programme, en mathématiques par exemple, et les faire corriger par des élèves de Terminale Scientifique, parmi les plus brillants.
Ce qu’ils ne purent m’expliquer, le fut par un collègue de ma mère.
A six heures et quart du matin j’étais levée, et à sept heures au plus tard, assise à mon bureau. Toutes les deux heures, je m’octroyais un somme de vingt minutes et aucune distraction ; à part le quart d’heure des actualités télévisées du soir.
Je me donnais jusqu’à vingt deux heures pour boucler mon programme de la journée.
Pas de café, mais du chocolat, car s’il était stimulant pendant les quatre premières heures, il faisait effet coup de massue vers les onze heures. Et surtout, je prenais une nourriture équilibrée et évitais le grignotage. Je me procurai également des tablettes de phosphore en pharmacie.
Bref, d’un cerveau sous entraîné je voulais faire un athlète.
Je révisai mes fiches jusqu’à la dernière minute.
(...)
L’examen eut lieu. Je ne séchai pas, mais n’eût pas d’éclair de génie non plus.
Je croyais être au rattrapage, et m’apprêtais à prendre le car pour glaner les fruits de mes efforts tardifs. Mais ma mère me devança :
_ « Ma collègue, Madame X, m’accompagne. En effet, il faut que je sois soutenue pour affronter tes résultats. Mais je t'invite à nous accompagner si tu le désires. »
Je jugeai plus prudent de m’abstenir.
Pour tuer le temps, je feuilletai divers magazines.
J’entendis la porte d’entrée claquer, des pas précipités dans l'escalier, des chuchotements, puis des gloussements :
_ « Il ne faut pas le dire trop fort, ils se sont certainement trompés.. »
Ma mère ouvrit la porte de ma chambre et dit :
_ « Tu l’as eu du premier coup, et avec mention. Vous êtes une soixantaine dans le Département. Les autres iront au rattrapage ».
A cette époque le rattrapage se faisait entre les notes huit à douze.
Cette nuit- là ma mère ne ferma pas l’œil, alors que je m’endormais du sommeil du juste.
(...)
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