Quand ma muse s’est présentée, je ne l’ai pas reconnue ; aussi je lui ai tourné le dos. Mais elle a insisté, et je lui ai dit :
« Vas-t-en ! ».
Elle m’a regardé et souri.
Alors je l’ai invitée à s’asseoir puis ai pris une feuille de mon bloc et ai fait des pattes de mouche. Elle a ri aux éclats et suggéré :
« Peut-être dessiner est votre talent premier ? ».
Je lui ai répondu :
« Pourquoi pas ? »
Depuis ce temps-là, j’accompagne la poésie, illustre de mes gribouillis les vers des poètes, suit les prosateurs, les fais rire, les inspire. Mon expression poétique s’exprime, elle, par le dessin à l’encre de Chine, à la sanguine.
Un jour pourtant je me suis aventuré à écrire un mot, suivi d’autres qui se faisaient des pieds de nez. Je les ai regardés surpris. Ils finirent même par se battre et je m’aperçus alors que je faisais des oxymores :
« L’affreuse beauté du végétalien cannibale hante mes joies d’une affreuse tristesse et sur le rebord du centre, je m’en vais en un retour fier et honteux d’une certitude incertaine qui marque de manière éphémère ma mémoire oublieuse. »
Chantal Sayegh-Dursus©Propriété Intellectuelle Sécurisée (Extrait de La fuite des âmes)