Il était certain que sa bru n’avait pas pris la mesure de qui elle était vraiment. Avant de venir en France elle était fondée de pouvoir, et octroyait ou refusait des prêts aux clients d’une grande banque d’Europe de l’Est. Si elle était venue à Paris, c’est dans le projet d’y étudier l’Histoire de l’Art et, une fois rentrée chez elle, devenir Conservatrice d’un Musée national. Elle avait rejoint son frère et sa sœur qui s'y trouvaient déjà et étudiaient la médecine.
Quand la seconde guerre mondiale fut déclarée, elle était en vacances chez une amie dans le Sud de la France. Alors qu’elles étaient sur point de rentrer, elles apprirent que les Parisiens désertaient la Capitale et s’enfuyaient sur les routes. Elles jugèrent alors plus sage de s’organiser pour un séjour prolongé. Mais comme elles n’avaient pris de vêtements que pour de courtes vacances, quand l’opportunité s’en présenta, elles retournèrent toutes deux dans leurs logements parisiens afin de récupérer quelques affaires.
Arrivée chez elle, elle fut fort surprise de voir que son appartement avait été fracturé et que des voisins s’y étaient installés. Ils parurent très étonnés de la revoir, et prétendirent que ne les ayant pas vus depuis un certain temps, ils s’étaient imaginés qu’ils s'étaient enfuis tous les trois. Elle les détrompa. En préparant ses bagages, elle s’aperçut que plusieurs pièces d’habillement lui manquaient, et les leur réclama.
Dans la boîte aux lettres une missive de sa sœur, l’informait qu’elle n’avait pu traverser la frontière pour aller rendre visite à leurs parents, et qu’elle ne tarderait pas à rentrer. Elle rédigea un mot lui indiquant où la rejoindre dès son retour. Son frère, lui, avait déserté la Capitale depuis de nombreuses années. Il était devenu résident marocain, car il s’était marié à une consœur, de nationalité française, originaire de là-bas.
Elle remplit à la hâte une grande valise de tout ce qu’elle pouvait emporter. Mais du laisser l'huile, le savon et le sucre, qu'elle avait commencé à stocker dès les annonces de conflit. Son amie lui demanda de fractionner ses affaires en plusieurs sacs. Car les porteurs de valises subissaient maints contrôles qui risqueraient de les retarder.
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