J’ai descendu en courant la volée de marches du parvis de l’église, et ai failli ne pas la voir près de son tray. Car elle était cachée derrière le muret afin de se protéger des ardeurs du soleil.
Comme elle m’a dit bonsoir, je me suis retournée afin de lui répondre. Alors j’ai aperçu son plateau, telle une toile abstraite, sur lequel étaient disposé en couronne des brochettes de surelles ambrées, et tout au milieu, en faisceau, les poupées de fruit à pain de couleur orangée, entourées de chadecks confites, à la peau blanchâtre et épaisse ; et accrochés tout autour, en jupon, des cornets de pistaches grillées. J’en avais presque oublié le goût. Mais comment avais-je pu également oublier celui des surelles et des chadecks, et surtout la saveur des poupées de fruit à pain. Je me suis empressée d’acheter ces trois confiseries et m’en délecte.
La tranche de chadeck et les surelles, dont je retrouvai les acidités différentes, ont été vite avalées. La poupée de fruit à pain a été, elle, gardée pour la fin. Après en avoir consciencieusement léché le sucre, je déguste la chair souple et élastique, en commençant par le bout rond et charnu, comme une langue, et progresse peu à peu, jusqu’à atteindre le trognon, dont la rugosité m’arrête. Je le mâchouille quelques instants, puis le jette.
En me réappropriant cette mémoire gustative, j’ai en cet instant conscience que je suis revenue chez moi, parmi les miens, et puis à nouveau goûter à toutes ces confiseries créoles faites avec de simples fruits sauvages, fabriquées avec amour par les marchandes de mon pays.
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