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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 00:07

Creek

 

(...)

             Bonne-maman  s’exprimait, sans s’en rendre compte, parfois, en vieux Français. J’y étais habituée et ne  m’en apercevais pas.

Un jour, lors du baptême d’une poupée neuve, où j’avais convié des amies, je vis leur mine ébahie quand elle dit à l’une d’entre elles :

_Tu présenteras nos remerciements  et transmettras notre amitié à ta maman, mais il y a assez de douceurs, on va serrer ton gâteau, on s’en régalera tantôt.  

 

           Elle prononçait parfois des proverbes et des dictons qui lui étaient propres :

«  Ne vas pas vers quelqu’un qui est ton supérieur, attends que ce soit lui qui vienne vers toi »

Son éducation d’un autre siècle nous imposait des règles et des préceptes que nous jugions saugrenus :

« Ne te confie pas à quelqu’un dont tu ignores la lignée»

« On juge un individu aux chaussures  qu’il porte. »

 

             Ma grand-mère maternelle avait non seulement la langue pointue, mais ses yeux caméléons s’immisçaient également dans tous nos secrets,  anticipaient  nos moindres bêtises ; car nous étions sa descendance. Et aujourd’hui encore, quand je pense « Bonne-maman », j’ai l’impression qu’ils me suivent encore.

Après la mort de mon grand-père, à l’âge de soixante- dix- huit ans, à la suite d’une longue et douloureuse urémie - ils avaient fêté leurs noces d’or quelques temps auparavant - nous lui devînmes encore plus précieux.

Quand notre grand-père mourut, elle ne trouva pas le courage d’assister à la messe d’enterrement, encore moins d’aller au cimetière. Je restai donc avec elle ;  alors que mes frères s’y rendaient avec ma mère.

 

             Ce fut le dernier grand enterrement auquel je participai.

Dès les derniers temps précédant l’agonie,  de nombreux parents, frères et sœurs, cousins, et mêmes alliés[1]  vinrent lui faire leurs adieux. Bien que n’osant entrer, je rodai toujours autour de sa chambre. J’entendis mon grand-père confier  au cousin, qui allait devenir par la suite cardiologue :

   Il est très difficile, trop difficile de mourir, mais…  j’ai peur de la mort.

 En ce temps là, ma grand-mère, tous les soirs, s’allongeait à côté de lui pour dormir.

Un  jour, je lui entendis lui chuchoter :

_   Part devant, prépare la route, je ne vais pas tarder à te rejoindre.

Elle le fit dix neuf ans plus tard.

 Il souffrait en effet depuis deux longues années. Le médecin de famille avait dit à ma mère que son métier d’agriculteur l’avait endurci et que la mort serait longue à venir.

Un après-midi, alors que je m’étais glissée sous son lit pour lire, j’entendis mon grand-père discuter avec cette dernière des détails de son enterrement.

 

         Le jour de la mort de bon-papa, le docteur qui le suivait tous les jours, depuis un certain temps, constata le décès.

J’avais dix ans cette année-là. Une voisine dit à ma mère :

-          « La roue tourne ! » 

Cette expression, que j’ai souvent entendue ensuite, devait signifier, comme j’ai pu m’en rendre compte tout au long du temps, une manière d’exprimer que dans la circonvolution de la roue de la vie, notre heure viendrait. Je l’exprimais moi-même, au décès de mon père, trente deux ans plus tard.

 

(...)

[1]        Amis très chers considérés comme de la famille 

 

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commentaires

É
<br /> Beau portrait de ta Bonne-Maman. Bonne soirée<br />
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P
<br /> <br /> Bon week-end et merci d'être passée.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Douloureux moments qui nous en apprennent plus sur ceux que nous aimons et sur la mort...<br /> <br /> <br /> Je retrouve ton émotion que je fais mienne...<br /> <br /> <br /> Bises<br />
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<br /> <br /> Merci Marlou.<br /> <br /> <br /> @ Bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> Ta grand'mère était sage.Pour les chaussures,j'ai entendu ceci dans un reportage à la télé:au restaurant de Beaubourg ,un responsable invitait le personnel à trier les clients, en fonction de<br /> leurs chaussures,il devait accepter ou interdire l'entrée.Etonnant non?En ce qui concerne la façon de s'exprimer,à tout prendre je préfère quelques expressions désuètes ou un peu empruntées à ces<br /> locutions modernes pour ne pas dire jeun's qui n'ont qu'un rapport approximatif avec notre belle langue.Bon ceci dit, j'aime la vivacité et la créativité ,la langue de 2012 s'est enrichie de la<br /> diversité .<br />
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P
<br /> <br /> Merci cher ami d'être passé par là et d'avoir enrichi la discussion, encore une fois, de propos avisés.<br /> <br /> <br /> Bises et bonne semaine<br /> <br /> <br /> P.S: Jette un coup d'oeil à mon article "La langue française est-elle morte ? " <br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> les chaussures vernies du dimanche....oui on juge(ait.?) les gens à leurs chaussures et les podologues ne sont pas loin de le penser car on y lit comme dans les lignes d'une main,l'activité ou la<br /> nonchalance, le soin ou le laisser aller et bien sûr la qualité et donc le prix mis par celui qui les porte, voire le nom du chausseur et en plus bien des déformations qui indiquent des points de<br /> santé particuliers....pour ce qui est de "voir partir" les siens proches,on peut se sentir rasséréner ou complètement déprimé par la façon dont ils partent, leur clairvoyance, dans certains cas,<br /> peut nous insufler un nouveau courage....<br /> <br /> <br />  <br />
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P
<br /> <br /> Toute une tradition qui se perd. Des codes de bonne tenue jusqu'à la pointe des pieds. Et même dans la manière de se préparer à la mort. Ce qui n'a plus rien à voir avec la manière dont<br /> cela se passe actuellement: les gens vous avouent presque honteusement qu'ils viennent de perdre l'un de leurs ascendants, et l'on croit comprendre que c'est comme une corvée pour eux de devoir<br /> organiser leur enterrement.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Très émouvant........ les départs...<br /> <br /> <br /> Autre émotion quand je lis  "On juge un individu aux chaussures  qu'il porte"<br /> <br /> <br /> Dans ma jeunesse,  je disais : demain,  je mettrai mes chaussures du dimanche! Ces chaussures étaient sacrées et bien cirées, elles étaient belles et il fallait qu'elles durent<br /> longtemps ; on en prenait grand soin, et pourtant elles ne s'appellaient pas "Nike, Adidas, Caterpilar...... Mais c'était une autre éducation!...<br /> <br /> <br /> Christian<br />
Répondre
P
<br /> <br /> Des chaussures vernies auront toujours plus de tenue et de valeur que des chaussures de sport quelqu'en soit la marque, sauf pour les sportifs bien sur.<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : le domaine de Chantal Sayegh-Dursus
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