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notre grand-père maternel, nous racontait que le travail de plusieurs générations pouvait se voir effacé en un clin d’œil, quand non seulement toutes les plantations, mais aussi l’habitation principale était détruite, car les assurances étaient alors peu connues.
Il avait lui-même subi le cyclone de 1928, quand ma mère avait tout juste six ans. Ce jour-là, il se trouvait sur sa propriété de Vieux-Habitants, dans les hauteurs de Beaugendre, et venait de mettre la touche finale à la construction d’une maisonnette à outils neuve ; devant remplacer l’ancienne qui avait fait son temps. Quand brusquement des vents violents se mirent à souffler. Lui-même, son neveu et le fils de sa servante ; entendant des arbres tomber, sortirent en toute hâte afin de connaître les raisons de ce grand fracassement. Un autre bruit, encore plus puissant, juste derrière eux, les fit se retourner. Ils virent que la maison, dans laquelle ils se trouvaient quelques instants auparavant ; celle qu’ils venaient juste d’achever et dont ils n’avaient pas encore fini de consolider les fondations, être balayée par la tourmente et emportée dans la rivière, qui se trouvait en contrebas.
En se tenant par la main er s’arc-boutant contre le vent, ils purent s’abriter dans l’ancienne maison.
Quand la dépression tropicale se calma, il ne restait plus aucune culture debout. En outre, ils furent confrontés à un problème encore plus crucial : le chemin de la rivière ne pouvait plus être emprunté comme à l’allée. À cause de l’abondance des précipitations, elle était en crue. Aucune sente, aucun sentier, aucune route n’étaient plus praticables non plus.
Ils firent donc un grand détour à travers les bois, par la montagne, en passant par Bouillante et Pigeon afin de rejoindre le Pont de Marigot.
Quand ils y parvinrent, ce dernier avait été également arraché par les eaux. Il n’en restait plus que les rampes et l’armature métallique. En s’y accrochant, ils arrivèrent à le passer, et rejoignirent le lendemain matin l’habitation principale, trempés, transis, affamés, épuisés. Ils y trouvèrent, serrés les uns contre les autres, épouvantés, ma mère, bonne-maman, mon arrière grand-mère, ainsi que Philomène, la demi-sœur de bon-papa.
Des pluies torrentielles s’étaient, en effet, abattues sur la Guadeloupe. La mer était montée jusque dans les terres et avait tout emporté sur son passage.
On estima les pertes humaines entre 1200 à 1500 individus. Des communes entières furent rasées, Pointe-à-Pitre et Basse-Terre dévastées. En plein centre de la place de la Victoire il y avait un bateau échoué. Le Jardin des Plantes de Basse-Terre n’existait plus. L’Allée Du manoir à Capesterre vit tous ses palmiers royaux décapités. Des gens qui étaient partis en villégiatures sur les petites îles, périrent emportés par les marées. L’église de Sainte-Anne était par terre, celle de Petit- Canal en ruine. Et bien sûr il y eut de nombreuses histoires de personnes, écrasées sous leurs demeures, ou tout simplement qui s’étaient envolées après que leur toit eut été emporté par le cyclone. Des rescapés racontèrent par la suite s’être retrouvés au faîte des arbres, ou projetés en pleine mer ; s’accrochant désespérement à des troncs d’arbres arrachés.
Les Ecoles, entièrement détruites, prirent des mois avant d'ouvrir.
Si les dégâts furent si considérables, c’est parce que cette dépression avait pris tout le monde au dépourvu car, à cette époque les alertes anticycloniques étaient inexistantes. Elles ne furent, en fait, établies qu’à partir de 1950 (...)
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