Il faut reconnaître que depuis quelques temps, elle était sous tension à cause de préoccupations d’ordre professionnel. Ainsi, le jour précédent, elle avait travaillé bien au-delà de minuit, et prévoyait d’avoir encore quelques soirées très laborieuses jusqu’à la fin du mois, et même bien après.
Ce poste, payé bien en deçà de ce qu’elle aurait pu prétendre, avait l’avantage d’être à un quart d’heure à peine de son domicile, mais il lui avait réservé bien des surprises. Au départ, son contrat prévoyait le simple rapatriement des comptes d’une Société anglo-saxonne ; tenus jusque là par un Expert-comptable d’Outre-manche. Mais au fur et à mesure de l’aboutissement de sa mission, elle s’aperçut que la charge de travail avait été précédemment repartie entre pas moins de trois personnes travaillant à temps complet. En outre, les pièces justificatives des opérations lui étaient fournies au compte goutte et de manière partielle. Ajouté à cela, elle se vit confrontée à des tâches encore plus ardues et non stipulées au départ, consistant en l’informatisation du service et au reporting financier mensuel le huit de chaque mois. Comme dans une machine infernale, elle se trouvait peu à peu aspirée par une multitude de corvées ; allant de la plus simple à la plus complexe. En outre, pour compliquer le tout, ses deux prédécesseurs, pressentis au départ pour le même travail : un Anglais de six ans son aîné et une Suédoise de cinq ans sa cadette, ayant échoué à l’accomplir, s’étaient reclassés respectivement dans l’entreprise ; l’un comme Directeur financier, l’autre comme Contrôleur de Gestion. Et tous deux espéraient bien, sa mission menée à bien, tirer entièrement la couverture à eux. Elle avait bien pensé en référer à la Direction Générale. Mais elle s’était trouvée confrontée à un homme qui bien qu’excellent commercial et fin gestionnaire était quasiment inculte. Il était d’ailleurs géré de main de maître par sa secrétaire et le Directeur financier.
Cette situation kafkaïenne sembla pourtant trouver une issue favorable, quand l’un des créateurs de la holding, un Américain fort sympathique, vint visiter le siège parisien. Malheureusement elle ne put s’entretenir avec lui que cinq minutes à cause de multiples interruptions. Cependant, la situation n’était pas insolvable, car elle s’était auparavant trouvée face à des défis encore plus insurmontables.
Mais, il était évident que ses périodes de repos étaient des instants privilégiés où elle supportait mal toute contrariété supplémentaire. Aussi quand elle élabora son plan, ce n’était nullement dans un but machiavélique, mais par simple réaction d’auto-défense.
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