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La seconde guerre mondiale se termina, et le retour des combattants au pays se fit peu à peu. Mais la diaspora africaine qui avait essaimé en Amérique et dans les îles connut une scission définitive avec la Nation Mère après l’affaire du Sénégalais : Un îlien de retour du combat était descendu de la passerelle avant qu’on lui en eut donné l’ordre. Il fut immédiatement abattu par un tirailleur sénégalais. Ce fut la panique à Pointe-à-Pitre : « les Sénégalais tirent sur tout ce qui bouge, et massacrent les gens sur les quais ! »
Les Antillais furent à dater de ce jour convaincus qu’ils n’avaient rien de commun avec ces « nègres sauvages » sans discernement et sans cœur. Et ce que n’avaient pas réussi à faire ni la déportation, ni l’esclavage ou l’aliénation fut consommé ce jour-là. D’autres ne se privèrent pas de dire que ces derniers, se comportaient au combat, pires même que les nazis, qui en avaient peur. C’est pour cette raison qu’ils n’étaient jamais faits prisonniers quand ils étaient pris. L’un de nos compatriotes, noir grand teint, maintenu prisonnier, témoigna que sa vie n’avait été préservée que parce qu’il avait pu prouver qu’il n’était point Africain.
Cependant, de nombreux Africains vinrent lors de la libération s’installer en Guadeloupe et s’y fondirent dans la population, mais il ne fallait absolument pas qu’ils disent qu’ils venaient d’arriver d’Afrique, et ils devinrent des Guadeloupéens comme les autres et allèrent même, par la suite, jusqu’à revendiquer le joug de l’esclavage. Ils enrichirent le pays de leurs traditions culinaires et de leurs rituels funéraires.
En 1946, grâce au sang versé par les Antillais pour la libération de la France, Aimé Césaire demanda et obtint la départementalisation pour les petites Antilles.
La guerre terminée, la vie reprit peu à peu un cours normal. Il n’y eut pas contrairement à la Métropole d’épuration en Guadeloupe, car le basculement s’était déjà fait dès 1943. Mais tout ce que nous avions vécu nous faisait encore mieux mesurer les avantages de la paix et les possibilités inexploitées qu’elle nous offrait.
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