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Je connus aussi, à cette époque- là, « Les Evènements » : des grèves importantes pour une meilleure rémunération des ouvriers de la Canne qui étaient payés selon la richesse sucrière de la récolte. Les prix suivaient les cours mondiaux (1). Et les maçons, étaient rémunérés au SMIC local de quatre cent cinquante francs par mois [67 euros] (2) alors que le bâtiment était en plein essor, et que le coût de la vie, était de plus de 40% plus élevé qu’en France.
Le mot d’ordre était :
« Solidarité entre les étudiants, les coupeurs de canne et les ouvriers du bâtiment ».
Aucun de ces mouvements du département ne fut repris par le Journal régional officiel, encore moins par ceux de Métropole. L’information était uniquement relayée par des journaux clandestins spontanés. Souvent de simples textes dactylographiés et photocopiés, reliés ensemble, qui passaient furtivement de main en main.
L’on y apprenait que les ouvriers étaient payés selon la richesse sucrière de la récolte ; bien que la canne produise également du rhum ainsi que de la bagasse, qui transformée, était utilisée pour les faux plafonds des habitations, ainsi que pour l'isolation dans les climats tempérés. Que le prix de l’huile et des transports en commun avaient encore augmenté. Que des maçons avaient été grièvement blessés ou estropiés sur des chantiers par manque de mesures de sécurité.
Mais le mot d’ordre des autorités était, semblait-il, de laisser s’essouffler le mouvement.
Cela avait des relents de Mai 1968, mais en plus complexe, car la grande misère de certaines classes sociales rappelait plutôt La Commune de Paris.
Un Maître Ka, du Moule, Robert Loison, créa la chanson « Canne à la Richesse » pour ponctuer cette lutte.
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Deux ans après mon arrivée à Paris (…), des étudiants de mon île me tendirent des journaux, les grèves de mon époque avaient recommencé. Cette fois, nos successeurs, plus courageux ou téméraires que nous l’avions été, avaient décidé de défiler dans les rues afin de faire entendre la voix des oubliés de la prospérité. Il y eu des tués, car des compagnies entières de CRS avaient été envoyées de Métropole.
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(1) [des années après, les salaires furent négociés avec 2,5% d’augmentation, et la prime de transport augmenta de 10% au Moule, et ceci avant le début de la récolte]
(2) [celui-ci ne fut aligné sur celui de la métropole qu’en 1995 par Jacques Chirac ]
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