Aujourd’hui elle appellerait son fils. Car cela faisait maintenant plus de deux ans qu’elle ne s’était pas rendue à Montmorency. Il était grand temps que cela cesse.
Comme il faisait beau aujourd’hui, elle irait au supermarché qui se trouvait à environ deux cents mètres de son domicile, et achèterait des cerises, car l’on était en pleine saison. Elle espérait trouver des Burlats. Si elles étaient aussi grosses et juteuses que celles de l’an passé, elle en prendrait bien deux kilos. Celles qu’elle ne consommerait pas lui serviraient pour un clafoutis.
Bien que possédant un chéquier et une carte de crédit, Marsha répugnait à effectuer ses paiements avec des supports virtuels. Elle adorait par contre manier de grosses liasses de billets, qui non seulement lui donnait le sentiment d’appartenir à une élite opulente, mais aussi la rassuraient sur la tangibilité de ses achats. Ce jour-là, pourtant, elle aurait du se contenter des quelques billets que contenaient encore son portefeuille, et qui auraient amplement suffi au paiement des emplettes qu’elle s’apprêtait à effectuer. Car elle ne réalisa pas qu’elle était accompagnée. En effet, elle était suivie ; certainement pas par vraiment un voyou, au vu du comportement qui fut le sien par la suite, mais peut-être par un RMIste, qui, depuis qu’elle avait fait cracher au distributeur du magasin 2000 Francs en espèces, en billets de deux cents francs, ne lâchait plus son sac à main des yeux.
Alors qu'elle arrivait à la porte de son immeuble, un charmant jeune homme semblait vouloir également y pénétrer. Au lieu de se mettre en retrait et d’attendre qu’il le fasse, Marsha s’empressa d’activer le code confidentiel des occupants de la résidence et alla même jusqu’à lui céder le passage. Ils attendirent donc tous deux l’arrivée de l’ascenseur. Mais une fois dans celui-ci, ce jeune homme, à l’apparence si respectable, activa le maintient d’ouverture de la porte d’une main et de l’autre la bouscula avec un vulgaire :
« Donne-moi ton sac à main la vieille ! »
L’attaque avait été si violente et soudaine qu’elle glissa et se trouva allongée à même le sol. Pris sans doute de remords, son agresseur la releva, la sortit de l’ascenseur et l’assis dans le hall d’entrée, le dos contre la baie vitrée, puis, s’en alla d’un pas tranquille. Elle resta dans cette position inconfortable, jusqu’à ce qu’un voisin la trouvant ainsi installée prévienne la police et les pompiers.
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