J’entre dans la pièce. Elles sont toutes là. Non pas toutes ; seulement quatre d’entre elles, et notre hôtesse bien sur. Me suivent, de quelques pas, les deux dernières, non les deux avant dernières ; car Violette et Elizabeth ne sont pas encore arrivées.
Soudain mon regard est sollicité par deux objets en faïence sur la table basse du salon : une cuvette de toilette et son broc. Pas vraiment assortis peut-être, car le broc est nettement plus petit et ses motifs paraissent différents. Je me lève et m’en approche discrètement afin d’en avoir le cœur net. Non, je me suis trompée. C’est bien le broc de la cuvette, et dans ce broc, un bégonia et deux branches de lilas ; une image champêtre et fraiche dans un objet inattendu.
Je souris en me souvenant d’avoir aperçu un jour dans un salon très huppé, un pot de chambre trônant fièrement. Quelques marguerites y étaient artistiquement disposées. Et tout à côté un Buffet. Pourquoi pas ? Car ils se complétaient, se mariaient même. L’on aurait même pu croire que Buffet, lui-même, avait disposé ce pot de chambre à cet endroit précis, et qu’il s’apprêtait à le peindre.
Tous ces objets anciens me rappelaient mon sujet de Bac de Philo, il y a déjà plusieurs décennies :
« Qu’est-ce qui fait qu’une œuvre d’Art est belle ? »
J’avais argumenté sur son utilité, parlé du travail subtil des artisans qui égayent les objets de la vie de tous les jours ; alliant ainsi l'utile à l'agréable depuis la plus haute antiquité. Mais en regardant ce broc, sur cette table basse, je ne pouvais m’empêcher de me remémorer la Salle de toilette de mes grands parents, où ces objets familiers étaient utilisés à leur juste usage.
Je m’imagine demain un micro-onde antique, ou pire encore une vespasienne ancienne, fièrement exposés au milieu d’un salon du futur, admirés par tous, commentés avec préciosité par des artistes reconnus, faisant autorité dans leur Art.
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