Peinture d'Alain Galaup "Volcan"
Alain Galaup, à la découverte d'un peintre
Je dus faire face en un laps de temps très court à des problèmes cruciaux et ne pus revenir à Paris pour la rentrée. (...)
En outre, quand j’arrivai au Port-Louis, je trouvai une situation telle que ma mère me l’avait décrite épistolairement : la population de la Grande-Terre avait doublé, car certaines villes de la Basse-Terre avaient été désertées. Presque toute la Guadeloupe proprement dite s’était pratiquement retrouvée en Grande-Terre.
Les gens de la Basse-Terre avaient du clouer leurs portes, ne sachant pas quand ils reviendraient ou même s’ils pourraient revenir un jour.
Certains avaient du s’enfuir en toute hâte de leurs maisons qui étaient déjà recouvertes par dix centimètres de cendres. D’autres avaient été contraints de laisser leurs animaux domestiques ainsi que leur bétail, car eux-mêmes, hébergés dans des abris de fortune, n’avaient aucun parent ou connaissance susceptibles de pouvoir les accueillir en Grande-Terre.
Cette année-là, deux théories s’affrontèrent, celles des Théoriciens avec le Professeur Brousse, qui préconisait que l’irruption de La Soufrière libérerait une puissance équivalente à plusieurs bombes atomiques, et celle des Praticiens, représentés par Haroun Tazieff, qui ayant étudié les volcans partout dans le monde, affirmait que l’irruption n’aurait pas lieu ; du moins pas de façon éminente, car seules de la vapeur d’eau chaude et des roches anciennes s’échappaient du cratère. Il prétendait également que La Soufrière n’était pas encore arrivée à maturité pour une explosion de cette envergure.
Cependant, dans le doute, et par mesure de précaution, le Préfet déclencha le « Plan Orsec-Eruption » le 20 août 1976. Car, il craignait que, s’il tardait trop, il n’y ait aucun survivant comme ce fut le cas en 1902, avec la Montagne Pelée en Martinique.
Il y eut un exode massif de populations ; que la Guadeloupe n’avait jamais connu ou vu auparavant, sauf sur les écrans de télévision.
Rien ne s’était encore normalisé à la rentrée 1976, car l’alerte dura jusqu’au mois de mars 1977.
Ce mouvement de populations se fit dans la précipitation et sans aide apparente et, à part la publicité faite sur l’évènement, les Guadeloupéens se retrouvèrent comme « An tan Sorin », ne devant compter que sur eux-mêmes.
Il y avait des queues interminables de voitures et cela prenait parfois plus de six heures pour faire 15 kms.
Tous partirent donc à pied, à dos d’âne ou en voiture. D’autres, sans moyen de transport, préférèrent affronter la mort que de se voir confrontés, à leur retour, à une situation encore pire qu’à leur départ. Ils décidèrent donc de ne pas abandonner leurs habitations.
Heureusement la plupart des sinistrés abandonnés trouvèrent, entre temps, des âmes charitables venues les chercher afin de les convaincre de s'en aller.
Etrangement les militaires, si prompts à occuper le terrain à la moindre manifestation, restèrent en cette occasion confinés dans leurs casernes avec leurs véhicules.
Au mois d’août 1976, quand le « Plan Orsec-Eruption » fut déclaré, 76.000 personnes de plus quittèrent la Guadeloupe proprement-dite. 56.000 d’entre elles louèrent des logements ou furent accueillis chez l’habitant, et les 20.000 restantes hébergées dans des Ecoles ; qui durent non seulement, en cette occasion, loger des familles entières, mais encore prévoir le double d’élèves, pour la prochaine rentrée. Car rien ne semblait avoir été planifié en amont. Les premières nuits, les familles dormirent sur des tables, sur le sol ou même sur plusieurs chaises mises bout à bout.
Le ravitaillement et les sanitaires étaient également manquants.
Comme nous ne le croyons possible que dans les pays les plus déshérités du tiers-monde, des populations déjà peu prospères, virent arriver de plus pauvres encore, car elles avaient du tout abandonner. Surtout si l’on sait que la Basse-Terre, terre d’agriculture et d’élevage, avait l’habitude d’approvisionner la Grande-Terre en denrées vivrières.
Quand la situation se régula les gens eurent un lit pour quatre ou cinq, selon l’âge des réfugiés. Les repas ne furent servis que deux fois par jour, le petit déjeuner pouvait l’être à onze heures et le repas principal à quinze heures par exemple. Bien que scolarisés à mi-temps, les enfants durent donc souvent se rendre à l’école le ventre vide, et ceci dura pendant toute la durée de l’alerte.
Ce fut une période de grande misère, car seule la charité des populations accueillantes faisait la différence, car ils n’avaient pour les plus déshérités d’entre eux, que très peu d’argent en poche et aucune possibilité d’en gagner. Beaucoup de bateaux vinrent de la Martinique avec des dons de petits agriculteurs afin d’aider les Guadeloupéens sinistrés. Tout ce qui pouvait être offert le fut par les habitants de l’île voisine.
Car, les morts en moins, seule la situation de la Nouvelle-Orléans, pouvait décrire ce que vécurent les plus démunis à cette époque-là en Guadeloupe.
Bien que l’alerte ne fût levée qu’en mars 1977, certains regagnèrent leur domicile dès novembre 1976 ; ne pouvant supporter de vivre dans une telle promiscuité et surtout un tel dénuement. Ils avaient souvent faim, alors que chez eux, les fruits et les légumes de leurs jardins créoles pourrissaient sur place, et que leurs animaux mouraient faute de soins et d’eau.
Après les évènements, comme il n’y eut pas de catastrophe ni de morts, les médias se détournèrent des réfugiés, mais le département était exsangue. C’est alors que les vraies difficultés commercèrent, car toute l’économie de l’île était à genoux.
Et la Guadeloupe se releva seule.
C’est en ce temps-là que des communes entières de la Basse-Terre se vidèrent de presque tous leurs habitants, comme celle de Saint-Claude, par exemple. Car avec leurs économies, la plupart de ses habitants s’établirent définitivement au Moule.
Cette catastropha annoncée avait tout de même ressoudé les deux Guadeloupes. Les plus riches mendiant aux plus pauvres, et cela ne put être oublié.
(...)
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