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L’adjointe allemande de la Directrice des achats venait de donner sa démission après qu’une augmentation de salaire lui eut été refusée. Ce qui permit de s’apercevoir que sa supérieure hiérarchique ignorait tout des procédures du Groupe, et était même incapable de saisir toute la complexité des tâches que sa subordonnée accomplissait chaque jour. Mais la Directrice prétexta alors que la gestion du magasin, qu’elle jugeait aléatoire, était la seule cause de la désorganisation de son service. Après qu’elle eut réalisé un « Project plan » fort ambitieux, il faut le concéder, on lui confia donc la responsabilité de ce dernier. Mais, pour se faire, elle du libérer le bureau qu’elle occupait jusque là et descendre d’un étage. Ses horaires de travail s’accrurent immédiatement de plus de vingt pour cent, sans qu’il en découla pour autant une quelconque amélioration probante sur la qualité de son travail. Comme Emma l’avait si souvent vu dans les Sociétés Internationales, à partir de cet instant, pour des raisons stratégiques de gestion de carrière certainement, l’ancienne Directrice ne trouva face à elle que des regards fuyants et ne perçut plus que le dos de ses anciennes collègues-amies, avec qui elle avait eu auparavant tant de plaisir à deviser à la cafétéria ou au Restaurant d’entreprise.
Deux bureaux de plus s’étant trouvés libérés à l’étage, le Directeur financier s’empressa de les remplir en embauchant un informaticien, débauché d’une start-up informatique et un Financial Controller, sans Directeur, après que le sien eut été licencié d’un grand groupe de chimie hexagonal.
Emma décida que le moment de quitter l’entreprise était arrivé. Le salaire qu’elle percevait et le titre figurant sur sa fiche de paie, la rendaient facile à placer par n’importe quel Cabinet de recrutement et même par n’importe quelle Agence d’intérim spécialisée dans le placement des Cadres. Le seul risque encouru était de n’effectuer désormais que trente-neuf heures de travail par semaine et surtout de n’avoir plus aucun nouveau challenge à réaliser. Mais celui qu’elle venait de remplir ne lui avait strictement rien apporté. Il lui avait simplement prouvé une fois de plus que rien n’était vraiment irréalisable avec de la volonté et une bonne dose de travail. Si l’on lui proposait maintenant un nouveau défi, elle serait attentive, cette fois, à ce qu’il s’accompagne de perspectives de promotion et de salaire. C’est dans cet état esprit qu’elle frappa ce jour-là à la porte du bureau du Directeur financier, afin de lui réclamer, d’un ton rogue et, l’on peut même le qualifier, de nettement agressif, une augmentation de plus de quarante pour cent de son salaire actuel, ainsi que le titre de Contrôleur de Gestion Europe. En blêmissant, ce dernier lui répondit que, comme il était fort débordé depuis le départ du Directeur Général, il avait décidé de se libérer afin d’accomplir d’autres tâches. C’était d’ailleurs la raison de l’embauche du Financial Controller, qui devrait la soulager du reporting et pourrait également rendre compte au Groupe des Etats financiers des différentes filiales. Elle devrait être satisfaite d’avoir maintenant quelqu’un sur qui elle pourrait s’appuyer et se reposer, et il comptait sur elle pour le former. Il lui savait gré du travail accompli et augmentait son salaire annuel de vingt pour cent qui correspondait à une prime de participation aux bénéfices de l’entreprise. En effet, depuis qu’elle était entrée en fonction le chiffre d’affaires de la Société avait cru de plus de quarante pour cent ; augmentation qu’elle avait amorti sans broncher, et surtout sans impact sur la qualité de son travail.
La pilule, bien qu’amère, avait été si habilement enrobée qu’elle aurait du être facilement avalée , si le jeune Financial Controller n’avait laissé maladroitement échapper, lors d’un repas au Réfectoire, arrosé d’un A.O.C peut-être trop fortement dosé, que l’on avait bien insisté lors de son recrutement pour qu’il fut capable de gérer quelqu’un de nettement plus compétent et qualifié qu’il ne l’était lui-même…
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