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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 23:20

paysages-d-hiver.jpeg

 

(....) mon premier hiver dans la Capitale ne fut pas idyllique, peu s’en faut. Je me souviens encore du jour de Noël. Il faisait un froid glacial dans la chambre, quatre degrés, pas plus, car  le petit appareil soufflant qui me tenait lieu de chauffage venait de rendre l’âme.

Il semblait maintenant trop tard pour appeler les amis qui m’avaient proposé de  réveillonner à la Cité universitaire.

Il est vrai que dormir assise sur une chaise ne m’avait guère enthousiasmée sur le moment. Mais même  si je me ravisais, ils n’avaient pas le téléphone…et moi non plus d’ailleurs. De plus, à cette heure-ci, les grilles du métro étaient déjà fermées.

 

Je cogite et réfléchis, pense au poulet acheté les matin-même et mis à l’extérieur avec toutes mes autres provisions, derrière le chien assis de la fenêtre du cinquième. Mourir d’hypothermie, peut-être, mais de faim, pas nécessairement. En outre, cuisiner me réchauffera certainement.

Utiliser la petite plaque chauffante a en effet fait considérablement augmenter la température de la pièce.

Le repas est prêt. Je me glisse sous les couvertures en position assise, étends une serviette sous l’assiette et m’apprête à entamer mon festin de Noël. Soudain, un couinement aigu dans une chambre voisine m’alerte, et je ne puis m’empêcher de coller l’oreille à la cloison. Des pleurs de bébé, suivis par des sanglots de femme, sont clairement audibles. Une voix d’homme gronde dans le couloir, disant qu’il ne peut dormir, qu’il faut faire cesser tout ce vacarme, un claquement de porte, le silence, puis les pleurs ont repris et les hurlements du bébé se sont faits plus stridents. Je me lève, frappe à la porte doucement, puis plus fermement. Une jeune femme m’ouvre ; c’est encore une enfant. Derrière elle, sur une table en bois blanc, l’on peut apercevoir un quignon de pain ainsi qu’une petite boite de cassoulet à demi-entamée. « Puis-je faire quelque chose ? » lui ai-je demandé. Elle m’a fixé de ses grands yeux verts effarés, et j’ai alors compris qu’elle ne parlais pas le Français. Assis sur un lit,  un enfant d’environ dix huit mois,  au regard triste, suçote un morceau de pain. Par des gestes je fais comprendre à la jeune mère que mon chauffage est  en panne, et que si elle le permet, j’aimerais dîner chez elle. Elle me sourit et acquiesce. En un rapide aller-retour, la fricassée de poulet et une plaquette de six petits Gervais se retrouvent sur sa table.

Nous nous faisons comprendre par gestes. Elle travaille chez Madame X.

 

L’on aurait d’abord pu croire qu’elle pleurait un deuil récent car toute vêtue de noir. En réalité elle vient d’un pays où le noir est couleur. Son mari a obtenu un contrat sur un chantier et doit venir la rejoindre définitivement au printemps. Elle est arrivée en France enceinte ; car en cette année 1973 son pays ne fait  pas encore partie de la Communauté européenne.

 

Nous avons fini de dîner, je ramasse les restes et m’apprête à regagner ma chambre. Elle me fait signe que je peux dormir là si je le désire. J’hésite, le local est petit ; un tiers moindre du mien, sans fenêtre, mais au moins il y fait chaud. Mon oreiller et mes couvertures rapatriés, je me blottis dans une alcôve. Nous nous endormons tous trois…apaisés.  

 

 

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