Elle pensait aux cartes qu’elle pourrait jouer dans cette nouvelle organisation. Bien qu’elle entraperçoive de nombreuses possibilités, aucune ne lui donnait entièrement satisfaction. Il aurait fallu qu’elle délègue l’intégralité de ses tâches actuelles afin de se consacrer aux états financiers consolidés européens que les Etats-Unis semblaient réclamer à cors et à cris depuis de nombreuses années.
En effet, en rangeant les archives rapatriées du Cabinet d’expertise comptable anglo-saxon, elle avait constaté que d’autres dossiers attendaient d’être archivés ; une copie des reportings financiers de toutes les filiales européennes, ainsi que des statistiques présentant les mêmes caractéristiques que les siennes, et surtout de nombreux courriers de rappel de la maison mère américaine réclamant des Etats consolidés. Mais il semblait évident que le Directeur Financier pas plus que le Contrôleur de Gestion n’avaient nulle envie, ni peut-être aucune compétence pour s’y attaquer.
Pour accéder à la fonction qu’elle convoitait, il aurait fallu se séparer de ces deux collègues budgétivores, afin d’être en mesure de recruter les assistants capables de reprendre les tâches qu’elle effectuait auparavant. Dans ce cas précis un Cabinet de conseil en organisation aurait été le bienvenu. Mais les Américains ne semblaient pas avoir envisagé la nécessité d’un audit des tâches et des compétences ; et surtout pas l’intention d’effectuer des dépenses de cet ordre, car leurs préoccupations étaient apparemment toutes autres.
La lutte semblait par contre ouverte entre le Directeur financier et le Directeur commercial pour savoir qui « rapporterait »aux U.S, et surtout qui s’assoirait au bureau du Directeur Général qui était maintenant vide.
Une autre rivalité semblait s’être engagée entre la Secrétaire de Direction (qui se partageait maintenant entre les deux Directeurs susnommés) et la Directrice des Achats contre le Contrôleur de Gestion.
Il était certain que cette dernière, basant ses budgets sur des données non statistiques, même franchement fantaisistes, étaient très controversée au Siège Social. Surtout qu’elle prenait ses ordres et ses données du Directeur Financier qui lui transmettait n’importe quoi, car il la considérait sans doute comme une rivale directe, ou peut-être ignorait-il tout simplement les bases de constitution d’un budget ; bien qu’Emma lui en fournisse mensuellement toutes les données.
Le Contrôleur de Gestion, qui était donc de par ce fait la plupart du temps inactive, justifiait sa fonction en contrôlant les moindres tâches de ses collègues, déclenchant ainsi leur animosité.
Emma fut surprise, quand un matin, elle trouva un bouquet de lilas sur son bureau, le même qui trônait d’ailleurs sur ceux de la Secrétaire de Direction et de la Directrice des Achats ; afin de lui signifier certainement qu’elles l’associaient à leur lutte. Pour sa tranquillité, elle ne confirma ni n’infirma cette adhésion. Mais ces bouquets produisirent l’effet escompté sur le Contrôleur de Gestion qui perdit littéralement la tête. Subodorant un complot qui la visait ; sachant qu’Emma possédait un jardin, elle vint tout de go s’enquérir auprès d’elle des raisons de cette distribution de bouquets qui l’excluait. Devant sa dénégation, quand elle lui eut dit que ces fleurs ne provenaient d'aucun de ses bosquets, elle devint cramoisie de colère et se précipita vers le bureau du Directeur financier ; afin peut-être de lui faire part de l’ostracisme dont elle était frappée. Ce dernier, saisissant la balle au bond, lui signifia son licenciement.
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