Je me revois encore sortir de classe en courant, je dois me dépêcher car mon lapin m’attend. C’est l’époque du Carême, et en voulant le nourrir ce matin comme je le fais tous les jours, je n’ai pu lui trouver qu’une poignée d’herbes sèches, et les carottes du potager malgré de nombreux arrosages sont toutes racornies. Mais je connais un endroit, dans le creux d’une source, où pousse en quantité une petite herbe grasse dont il raffole tant.
Certains l’appellent « misère ». Il semblerait même qu’en France on la mette en pot pour orner les maisons.
Voilà j’ai rempli le sac que j’ai emporté d’au moins un bon kilo. Je peux rentrer maintenant, Je me dépêche car il compte sur moi, je suis comme sa maman. Me voilà enfin rendue. J’ouvre la grille et me dirige vers la galerie, car il doit m’attendre. Il va être content. Mais le cageot en bois qui le contenait est maintenant vide. Se serait-il échappé ? J’interroge, j’enquête. Qui l’aurait vu pour la dernière fois ? Tout le monde fait silence, personne ne me répond. Je surprends cependant un sourire de connivence entre ma mère et la bonne. Je cherche dans les herbes folles, entre les bananiers. Il se serait enfui parce qu’il avait faim. Si je m’y prends assez tôt, je puis le retrouver, avant qu’il ne se fasse mordre par notre chien Milou. On m’appelle, je dois me mettre à table. Car bientôt il me faudra retourner à l’Ecole.
Ma mère me raisonne, il était maintenant assez gros, il était juste temps de le manger, il a goût de poulet, il faudrait que je goûte.
Je pleure des larmes sans fin et ai les tripes nouées, et pars pour l’Ecole une orange à la main en guise de déjeuner…
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