Je me suis assise le dos contre un gros chêne et me suis endormie.
Il m’a tout raconté sur les siècles passés ; tout ce qu’il avait vu, entendu et vécu. Quand la plaine verdoyante était encore couverte de pommiers, de poiriers et même de cerisiers, tous arrachés pour faire pousser du blé et ensuite de l’avoine, il s’en souvient encore. Puis, soudain, il me l’a confié, on n’y a plus rien planté.
Hier, il a vu des hommes en salopettes bleues qui prenaient des mesures, et d’autres tout vêtus de blanc, avec des grandes feuilles, toutes aussi grandes qu’eux, qui semblaient réfléchir.
Si je reviens demain, il me racontera l’époque des Vilains et des crinolines ; il me l’a chuchoté.
Je me réveillai et ouvris les yeux. J’étais un grand arbre majestueux et fier. Et mon regard englobait toute la vallée. J’étais l’histoire de France en dix générations.
Mon chien aboya et me lécha la main. Je pris conscience de moi et me levai déçue. Je ne suis que de l’espèce des hommes qui vivent bien moins longtemps que ce que vivent les arbres.
Je m’éloignai, triste, le cœur plein de regrets. Mais, je n’étais qu’humain et de racines en terre, moi, je n’en n’avais point. Sauf celles de mes ancêtres, qui bien qu’enfouies sous terre, ne me nourrissaient plus de leur sève vigoureuse. Si ce n’est par le souvenir que j’en avais encore tout au fond de mon cœur.