C'est Benjy Compson, l'idiot de Faulkner, dans "Le bruit et la fureur" ou les simples d'esprit du Christ car ils voient Dieu.
L'idiotie est la perception première, non trafiquée par l'éducation ou la raison. C'est l'écoute d'un ailleurs, l'écriture automatique, la réalité présentée à travers un filtre pur et non préréglé. C'est l'être à l'état brut, non modelé par la société. Faulkner s'y est attaché et c'est d'ailleurs le point d'ancrage de son oeuvre.
" Bienheureux les fous, parce qu'ils sont fêlés, ils laissent passer la lumière (...)" de Guillaume Apollinaire.
Nous pouvons dire que le fou est le spectateur de l'indicible, de ce qui n'est visible que pour, et par lui seul.
Donc parmi les aveugles, le voyant devient le fou, car ce dont il est témoin dépasse l'humain et transcende l'homme.
Il est la porte ouverte vers un ailleurs inatteignable par le commun des mortels.
Il est la porte.
Et ceux qui voient cette porte sont saisis de terreur. Car ils entrevoient des profondeurs insondables, béantes, sans aucun garde...fou.
Aussi tous se précipitent vers la porte pour la refermer. Ils la ferment même à triple tour.
Mais le fou leur rappelle que la porte existe, et qu'elle est à leur portée.
Alors ils se saisissent du fou et l'enferment loin de leur présence afin qu'il ne puisse plus leur dire que la porte est là.
Chantal Sayegh-Dursus