Je suis assis dans la cour de la ferme et pleure car ils viennent de m’enlever mon animal de compagnie. Quand je parle de ferme, ce n’en n’est pas vraiment une. Mais peut-être un jour en a-elle présenté les caractéristiques ; quand les champs alentours étaient cultivés et mis en exploitation. Car, aujourd’hui, à part un jardinet rachitique qui sert uniquement à la consommation domestique, six lapins, quelques poules, deux chèvres, et une vache ; cela ne ressemble plus vraiment à une ferme. Bien que la maison où j’habite, que l’on nomme encore corps de ferme, jouxte la cuisine de l’habitation principale, que l’on peut caractériser, elle, de bourgeoise. Cette dernière est faite de matériaux nobles et est élevée sur deux étages ; et surtout elle possède un jardin ombragé avec des bancs et des meubles ; pompeusement appelés salon de jardin. Et surtout elle a été soigneusement restaurée au fil des ans ; alors que le bâtiment où je réside a été, lui, laissé dans son état d’origine.
Je me remémore encore du jour où j’ai choisi mon chaton ; issu d’une portée d’une chatte à laquelle nous avions l’habitude de donner des restes de petits déjeuners. Elle l’avait encore une fois abandonnée sur notre perron. Six chatons braillards, dont les yeux n’étaient même pas encore ouverts. Avant que ma maîtresse ne se fâche et ne demande à la servante de noyer tout cela, j’ai pris les devants, et les ai proprement estourbis avant de les mettre dans un vieux puisard abandonné tout au fond de la cour. Mais auparavant j’ai choisi un chaton, car je pense réellement que c’est du gâchis de noyer tous ces chats. Surtout que les mulots pullulent dans les champs alentour. Et comme je ne suis plus aussi habile qu’auparavant pour les attraper, il me fallait un chat.
Je m’en accommodais fort bien. Il partageait mes repas et passait le plus clair du temps à mes côtés. Cela faisait bien plus d’un an que nous vivions ainsi ensemble.
Un jour j’ai surpris une conversation.
_C’est incroyable, il a tué tous les chatons et en a adopté un.
Je ne m’en suis guère soucié. Ils faisaient bien de temps en temps la même chose, lorsque l’une de leur connaissance leur réclamait un chaton.
Mais un jour ils m’ont enlevé m’ont chat. Une de leurs belles-filles de passage a décidé de me le prendre. Moi, j’estime que c’est de la discrimination. Car un jour l’hiver qu'il gelait dehors à pierre fendre, et que j’étais assis près de l’âtre, j’ai vu une émission à la télévision où ils parlaient d’enfants enlevés à leurs parents pour les confier à d’autres. Ces derniers passaient tout le reste de leur vie à essayer de les retrouver.
Maintenant j'estime que je suis vieux ; trop vieux pour entreprendre ce type de recherche. Alors les soirs de pleine lune ; période où ma solitude me pèse tout particulièrement, j’aboie à la lune.
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