Entrevue avec:
Marie-Hélène Drivaud
Directrice éditoriale du Petit Robert et de la gamme scolaire..
(Propos recueillis en décembre 2007 par Chantal Sayegh-Dursus )
A une époque où tout ce qui est culturel se doit d'être très rentable, sous peine de disparaître, et où nos écrans TV diffusent presqu'uniquement des films étrangers, une éditorialiste d'un des dictionnaires les plus utilisés des Français semblait être la personne la plus indiquée pour donner un avis autorisé sur la vivacité de la culture française par son support privilégié, la langue.
CSD_Don Morrison prétend, dans un article du Time, que la culture française est morte. Est-ce vrai ?
M-HD_Je pense que Le Time exagère…
CSD_Voyez-vous la langue française bientôt reléguée au même rang que les anciennes langues indo-européennes, telles le Latin ou le Grec ?
M-HD_Je ne le crois pas. Mais, le Grec et le Latin ne sont pas des langues mortes. Leurs racines ont été reprises par le français pour la création de nouveaux mots. Mais cela se fait de moins en moins. Car nous créons maintenant nos propres mots. Nous le faisons même parfois à partir de mots étrangers qui peuvent être arabes, maori, anglais ou italiens... A La Renaissance nous avons enrichi notre vocabulaire de plus de mille mots italiens.
Et tous les ans nos dictionnaires augmentent d’environ cinq cent mots, qui sont répartis dans nos trois gammes, chacune avec un profil propre : Le Benjamin, Le Petit Robert et Le Grand Robert. Dans ce dernier nous regroupons les mots techniques et scientifiques.
CSD_Cinq cent mots nouveaux apparaissent chaque année dans la langue française, mais il y en a aussi qui disparaissent ?
M-HD_Plus de mille mots apparaissent, mais nous ne les retenons pas tous. Et aucun ne disparaît, mais certains tombent parfois en désuétude ou d’autres voient leur sens évoluer ou même changer.
CSD_Quel avenir a selon vous la langue française si on la compare à l’Anglais ?
M-HD_Je pense que la langue française restera toujours une langue de culture, où chaque mot a son vrai sens. Elle évolue et se perfectionne chaque jour. Parfois nous nous trouvons à des croisements linguistiques et les choix se font. Par exemple pendant une certaine époque on employait indifféremment « acompte » ou « accompte ». Finalement nous avons opté pour acompte, plus français et plus éloigné du mot anglais « account » qui n’a bien sur pas le même sens. Nous avons opté également pour un oratorio, des oratorios, au lieu du pluriel italien « oratori », bien que dans la langue parlée on utilise souvent, indifféremment l’un ou l’autre au pluriel.
CSD_Pourquoi donc la langue anglaise a-t-elle acquis une telle suprématie ?
M-HD_L’Anglais a pris une telle expansion, car c'est une langue de communication qui est réinventée, chaque jour, par des gens qui ne parlent pas la même langue mais qui cherchent à communiquer pour faire des affaires. Sa simplicité d’utilisation la met, donc, à la portée du très grand nombre.