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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 23:25

PAP-Rue-vatable

 

 

(...)

notre grand-père maternel, nous  racontait  que le travail de plusieurs générations pouvait se voir effacé en un clin d’œil, quand non seulement toutes les plantations, mais aussi l’habitation principale était détruite, car  les assurances étaient alors  peu connues.

 

 

          Il avait lui-même subi le cyclone de 1928, quand ma mère avait tout juste six ans. Ce jour-là, il se trouvait sur sa propriété de Vieux-Habitants, dans les hauteurs de Beaugendre, et venait de mettre  la touche finale à la construction d’une maisonnette à outils neuve ; devant remplacer l’ancienne qui avait fait son temps. Quand brusquement des vents violents se mirent à souffler. Lui-même, son neveu et le fils de sa servante ; entendant des arbres tomber, sortirent en toute hâte afin de connaître les raisons de ce grand fracassement. Un autre bruit, encore plus puissant, juste derrière eux, les fit se retourner. Ils virent que la maison,  dans laquelle ils se trouvaient quelques instants auparavant ; celle qu’ils venaient juste d’achever et dont ils n’avaient pas encore fini de consolider les fondations, être  balayée par la tourmente et emportée dans la rivière, qui se trouvait en contrebas.

En se tenant par la main er s’arc-boutant contre le vent, ils purent s’abriter dans l’ancienne maison.

 

 

          Quand la dépression tropicale se calma, il ne restait plus aucune culture debout. En outre, ils furent confrontés à un problème encore plus crucial : le chemin de la  rivière ne pouvait plus être emprunté comme à l’allée. À cause de l’abondance des précipitations, elle était en crue. Aucune sente, aucun sentier, aucune route n’étaient plus praticables non plus.

Ils firent donc un grand détour à travers les bois, par la montagne, en passant par Bouillante et Pigeon afin de rejoindre le Pont de Marigot.

Quand ils y parvinrent, ce dernier avait été également arraché par les eaux. Il n’en restait plus que les rampes et l’armature métallique. En s’y accrochant, ils arrivèrent à le passer, et rejoignirent le lendemain matin l’habitation principale, trempés, transis, affamés, épuisés.  Ils y trouvèrent, serrés les uns contre les autres, épouvantés,  ma mère, bonne-maman, mon arrière grand-mère, ainsi que Philomène, la demi-sœur de bon-papa.

 

 

           Des pluies torrentielles s’étaient, en effet, abattues sur la Guadeloupe. La mer était montée  jusque dans les terres et avait tout emporté sur son passage.

On estima les pertes humaines entre 1200 à 1500 individus. Des communes entières furent rasées, Pointe-à-Pitre et Basse-Terre dévastées. En plein centre de la place de la Victoire il y avait un bateau échoué. Le Jardin des Plantes de Basse-Terre n’existait plus. L’Allée Du manoir à Capesterre vit tous ses palmiers royaux décapités. Des gens qui étaient partis en villégiatures sur les petites îles, périrent emportés par les marées. L’église de Sainte-Anne était par terre, celle de Petit- Canal en ruine. Et bien sûr  il y eut de nombreuses histoires de personnes, écrasées sous leurs demeures, ou tout simplement qui s’étaient envolées après que leur toit eut été emporté par le cyclone. Des rescapés racontèrent par la suite s’être retrouvés au faîte des arbres, ou  projetés en pleine mer ; s’accrochant désespérement à des troncs d’arbres arrachés.

 Les Ecoles, entièrement détruites, prirent des mois avant d'ouvrir.

 

 

            Si les dégâts furent si considérables, c’est parce que cette dépression avait pris tout le monde au dépourvu car, à cette époque les alertes anticycloniques étaient inexistantes. Elles ne furent, en fait, établies qu’à partir de 1950 (...)

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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 22:31

lapin

 

Je me revois encore sortir  de classe en courant, je dois me dépêcher car mon lapin m’attend. C’est l’époque du Carême, et en voulant le nourrir ce matin comme je le fais tous les jours, je n’ai pu lui trouver qu’une poignée d’herbes sèches, et les carottes du potager malgré de nombreux arrosages sont toutes racornies. Mais je connais un endroit, dans le creux d’une source, où pousse en quantité une petite herbe grasse dont il raffole tant.

 

 la misère

 

Certains l’appellent « misère ». Il semblerait même qu’en France on la mette en pot pour orner les maisons.

 

Voilà j’ai rempli le sac que j’ai emporté d’au moins un bon kilo. Je peux rentrer maintenant, Je me dépêche car il compte sur moi, je suis comme sa maman. Me voilà enfin rendue. J’ouvre la grille et me dirige vers la galerie, car il doit m’attendre. Il va être content. Mais le cageot en bois qui le contenait est maintenant   vide. Se serait-il échappé ? J’interroge, j’enquête. Qui l’aurait vu pour la dernière fois ? Tout le monde fait silence, personne ne me répond. Je surprends cependant un sourire de connivence entre ma mère et la bonne. Je cherche dans les herbes folles, entre les bananiers. Il se serait enfui parce qu’il avait faim. Si je m’y prends assez tôt, je puis le retrouver, avant qu’il ne se fasse mordre par notre chien Milou. On m’appelle, je dois me mettre à table. Car bientôt il me faudra retourner à l’Ecole.

Ma mère me raisonne, il était maintenant assez gros, il était juste temps de le manger, il a goût de poulet, il faudrait que je goûte.

Je pleure des larmes sans fin et ai les tripes nouées, et pars pour l’Ecole une orange à la main en guise de déjeuner…

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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 21:59

Les-reines-claude-2.jpg

 

(...)

 

À Bougival, non loin de chez nous, vivait l'une de mes amies d’Université qui avait épousé le plus jeune des trois fils d’un couple d’Espagnols, ayant fui leur pays à  la fin de la guerre d’Espagne.

Les parents s’étaient rencontrés dans des camps de transit, et avaient décidé de rallier ensemble la région parisienne.

Le père, artiste, ouvrier pour survivre, avait croqué ses compagnons d’infortune dans ces camps de l’exode. Il nous montra tout un carton plein de c(s) es souvenirs.

Ils organisèrent un grand pique nique au bois de  Saint Cucufa. Avec ma caméra, je filmai cet instant et soudain, un regard de bête traquée dans le champ de visée ; un couple de réfugiés politiques argentins qui venait d’arriver;  réagissant instinctivement, épidermiquement, avait oublié, une fraction de seconde, que nous pique- niquions, entre amis, aux portes de Paris, par une douce journée d’été.

 

Je revis les beaux-parents de mon amie des années plus tard ; après que Franco eut passé le pouvoir au nouveau roi d’Espagne. Ils avaient le sentiment d’avoir perdu leur vie,  l’impression  d’avoir été floués par l’histoire. Surtout que, pour aller jusqu’au bout de leurs convictions, ils avaient refusé d’acquérir un quelconque bien ; attendant «  le grand soir » où tout devrait être redistribué selon les besoins de chacun. 

 

(...)

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 14:53

aaa

 

 (...)  en revenant des cours, quelle ne fut pas ma surprise de voir ma voisine de pallier ; celle avec laquelle je n’échangeais que des saluts de convenance, m’aborder ,puis  me tenir un très long discours, sur le temps d’abord. Ensuite, poursuivant la conversation, elle m’apprit qu’un fermier, dans une rue adjacente à la notre, derrière le grand bâtiment contigüe au  petit bois, faisait commerce toute l’année d’œufs, de lait et de légumes. Je la remerciai pour ces informations, et m’apprêtai à tourner la clé dans la serrure. Mais c’était sans compter sur la logorrhée verbale de cette amie inattendue qui me narra d’une traite sa vie, celle de toute sa lignée, ensuite celle de son conjoint. Bien que je sois généralement sociable et assez patiente, je commençai à désespérer de me débarrasser  de la bavarde, quand elle me dit tout de go :

«  Je tenais à faire votre connaissance car je déménage demain. »

  (...)

 

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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 23:20

paysages-d-hiver.jpeg

 

(....) mon premier hiver dans la Capitale ne fut pas idyllique, peu s’en faut. Je me souviens encore du jour de Noël. Il faisait un froid glacial dans la chambre, quatre degrés, pas plus, car  le petit appareil soufflant qui me tenait lieu de chauffage venait de rendre l’âme.

Il semblait maintenant trop tard pour appeler les amis qui m’avaient proposé de  réveillonner à la Cité universitaire.

Il est vrai que dormir assise sur une chaise ne m’avait guère enthousiasmée sur le moment. Mais même  si je me ravisais, ils n’avaient pas le téléphone…et moi non plus d’ailleurs. De plus, à cette heure-ci, les grilles du métro étaient déjà fermées.

 

Je cogite et réfléchis, pense au poulet acheté les matin-même et mis à l’extérieur avec toutes mes autres provisions, derrière le chien assis de la fenêtre du cinquième. Mourir d’hypothermie, peut-être, mais de faim, pas nécessairement. En outre, cuisiner me réchauffera certainement.

Utiliser la petite plaque chauffante a en effet fait considérablement augmenter la température de la pièce.

Le repas est prêt. Je me glisse sous les couvertures en position assise, étends une serviette sous l’assiette et m’apprête à entamer mon festin de Noël. Soudain, un couinement aigu dans une chambre voisine m’alerte, et je ne puis m’empêcher de coller l’oreille à la cloison. Des pleurs de bébé, suivis par des sanglots de femme, sont clairement audibles. Une voix d’homme gronde dans le couloir, disant qu’il ne peut dormir, qu’il faut faire cesser tout ce vacarme, un claquement de porte, le silence, puis les pleurs ont repris et les hurlements du bébé se sont faits plus stridents. Je me lève, frappe à la porte doucement, puis plus fermement. Une jeune femme m’ouvre ; c’est encore une enfant. Derrière elle, sur une table en bois blanc, l’on peut apercevoir un quignon de pain ainsi qu’une petite boite de cassoulet à demi-entamée. « Puis-je faire quelque chose ? » lui ai-je demandé. Elle m’a fixé de ses grands yeux verts effarés, et j’ai alors compris qu’elle ne parlais pas le Français. Assis sur un lit,  un enfant d’environ dix huit mois,  au regard triste, suçote un morceau de pain. Par des gestes je fais comprendre à la jeune mère que mon chauffage est  en panne, et que si elle le permet, j’aimerais dîner chez elle. Elle me sourit et acquiesce. En un rapide aller-retour, la fricassée de poulet et une plaquette de six petits Gervais se retrouvent sur sa table.

Nous nous faisons comprendre par gestes. Elle travaille chez Madame X.

 

L’on aurait d’abord pu croire qu’elle pleurait un deuil récent car toute vêtue de noir. En réalité elle vient d’un pays où le noir est couleur. Son mari a obtenu un contrat sur un chantier et doit venir la rejoindre définitivement au printemps. Elle est arrivée en France enceinte ; car en cette année 1973 son pays ne fait  pas encore partie de la Communauté européenne.

 

Nous avons fini de dîner, je ramasse les restes et m’apprête à regagner ma chambre. Elle me fait signe que je peux dormir là si je le désire. J’hésite, le local est petit ; un tiers moindre du mien, sans fenêtre, mais au moins il y fait chaud. Mon oreiller et mes couvertures rapatriés, je me blottis dans une alcôve. Nous nous endormons tous trois…apaisés.  

 

 

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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 00:43

la-soufri-re.jpg

 

Je m‘ennuie. j’ai la tête toute embrouillée. Le temps est triste et je ne fais rien…

C’est dimanche. Nous sommes allés à la messe ce matin. Depuis …plus rien !

Les fourmis ont fini de transporter toutes les miettes de pain que je leur avais données. Maintenant, la journée s’étire. Tout semble s’être arrêté, figé, bloqué, dans un ruban d’ennui qui semble infini. Mon désœuvrement total amplifie mon mal-être. Ou est-ce mon mal-être qui rend cette journée si terne, si insipide ? …J’ai douze ans !

Que vais-je porter demain ? J’ouvre la petite armoire en bois blond confectionnée par le menuisier de la commune et contemple ma garde robe. Mes chaussures y gisent tout en bas, et toutes les paires sont défoncées ; à cause de mes parties de ballon prisonnier bien évidemment. Les seules encore intactes sont les vernies du dimanche.

A ce rythme là, a dit ma mère, il t’en faudrait une nouvelle paire tous les quinze jours. Aussi demain, tu iras en classe en sandales.

À moins que …subrepticement.

 

Bonne-maman me voit en plein délit de désœuvrement et m’encourage à commencer un canevas :

« Cela t’aidera à tuer le temps. »

Tuer le temps ! Je me souviens d’une élève de ma mère qui est morte de maladie en pleine adolescence. Sur les murs du salon de sa mère d’immenses canevas étaient fièrement exposés.

«  Elle les a fait quand elle était désœuvrée, pour tuer le temps… »

Brrr…Dieu me préserve de tuer le temps. Je préférerai toujours le perdre que de le tuer.
Cette pensée m’a redonnée le moral. Allons ! Je trouverai bien quelque chose à faire !

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 22:35

monts-d-arree-

 

[20]Je regardai cette carte que me tendait Meryem : Monts D’Arrée, Finistère, paysage lunaire s’il en est, un peu de mousse, du lichen desséché. Qui pourrait s’y plaire ?

 

Pourtant il y a un petit peuple qui fuyant l’Est de l’Europe se posa là. Ils allèrent même  jusqu’au Pays de Galles, atteignirent l’Ecosse et l’Irlande et leurs descendants encore plus loin le Canada et les Amériques ; 7200 Kms  plus à l’Ouest. Certains  arrivèrent aux Saintes et à Saint-Barthélemy, en Guadeloupe, îles granitiques et sèches ou nuls ne pouvaient vivre. Ils s’y établirent, pourtant, survivant grâce à la pêche, en gardant la mémoire de leurs racines anciennes, quand fuyant pour survivre, ils avaient tout traversé, même les océans. Ainsi, peut-on voir, sous nos cocotiers, Bigoudènes antiques, en habits traditionnels et coiffes d’origine.

 

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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 21:40

cocotier nain

 

Je marche à pas comptés, la tête prise dans des pensées sombres, et me retrouve sur la jetée. Au dessus de ma tête, des écheveaux de nuages s’étirent, se délitent dans un ciel gris d’orage, aux teintes menaçantes ; voilant progressivement les rayons du soleil. Je souris, car cette atmosphère lourde et pesante fait corps avec mon état d’âme. L’odeur de la pluie à venir caresse déjà mes narines. Je m’assois sur un cocotier nain qui a été dessouché par le ressac, et un sanglot, suivi de mille pleurs me vrille l’œsophage,  libère des torrents de tristesse, des fleuves de tourments, des cascades de doléances.

 

Une petite marchande de pistaches qui longe les quais s’approche et s’accroupit face à moi. Elle semble elle-même cassée par le malheur, déhanchée par la misère et ses yeux pleurent même quand elle me sourit. Dans un créole rocailleux, elle s’enquiert d’une voix grâve et éraillée des raisons de tant de désespérance, d’une telle déshérence :

« Il t’a laissé tomber ma fille ? »

Voyant que mes pleurs continuent, elle poursuit :

 « Et il va se marier ! »

Mais ma souffrance dépasse de loin sa compassion, alors elle termine ainsi :

«  Et tu es enceinte ! »

 

Brusquement la source de mon désespoir  a tari le torrent de mes larmes et maintenant c’est un rire strident, aigu qui sort de mes entrailles, un rire inextinguible, fou, débridé.

La petite marchande de pistaches recule épouvantée, croyant entendre le galop de la «  bèt à man ibè y menm[1]»,  ramasse son panier caraibe et s’enfuit à toutes jambes.

 

Honteuse de m’être épanchée de la sorte pour des raisons somme toute forts dérisoires, je la rattrape en quelques enjambées et lui achète un peu de sa marchandise. J’en profite pour la rassurer sur mon état mental et la remercier pour avoir pris la peine de s’être enquise de la raison de mes larmes :

«  Rien de très grave maman, mon destin est tout simplement ailleurs ».



[1]  La monture du diable en chair et en os

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 01:18

martinique-carte-illustree-guadeloupe-martinique

 

 

Comme je suis pensionnaire, je ne le serai plus qu’à partir de la seconde, je me rends au Lycée le lundi matin et en reviens le samedi après-midi. Pour cela j’utilise les transports en commun. Le trajet dure environ une demi-heure. Ce qui me laisse tout loisir de cogiter et de me poser des questions auxquelles je n’aurai jamais de réponse (…).  Bien que, généralement, je fixe le paysage avec attention, l’admire comme si je le voyais pour la première… ou la dernière fois (…).

 

Mais la majeure partie du temps, je suis distraite par l’ambiance qui règne à l’intérieur du véhicule : Une ménagère qui revient de faire ses courses, certainement affamée, casse un morceau de pain et  peut-être à cause du manque de couteau, décide d’entamer le saucisson à même les dents. Le chauffeur, qui vient de s’arrêter pour laisser descendre un passager, regarde à l’arrière du car, et lui intime l’ordre de stopper ça immédiatement, car cela lui ferait avoir beaucoup trop d’enfants. Elle dit ignorer qu’il y ait eu un lien. Cette plaisanterie grivoise en entraine une autre de cabris molesté, par un homme en mal d’épouse, qui vient de paraître dans France Antilles. Une dame qui connaît l’individu est  indignée : Il habite à quelques centaines de mètres de sa maison. Elle qui est veuve depuis tant de temps ! Pourquoi n’est-il pas tout simplement venu frapper à sa porte ? C’est du gâchis ! Tchiiip !

 

Les conversations s’enchaînent. Un couple derrière moi roucoule. La femme prétend ne pas être aimée. L’homme proteste : Aurait-il mis un sac de riz de cent kilos chez elle s’il ne l’aimait pas.

 

Et toujours en bruit de fond de la musique, dont les morceaux ont été commandés pour des proches ou des amis ; «  Thérèse de Vieux-Fort dédie cette chanson à Jean-Claude de Morne-À-L’eau. » L’on croit comprendre qu’il l’avait quittée pour une autre, qui vient à son tour de le quitter : «  la femme t’a quitté pour que tu te fasse écraser par les voitures… » [en créole]

L’animateur rappelle que ces morceaux dédiés ne sont pas faits pour régler des comptes. S’ensuit un autre air à l’intention cette fois d’une demoiselle Liliane de Petit-Bourg offert « par un inconnu bien connu. ».

 

Soudain, un coup de sifflet : c’est un contrôle de Police.

Le policier fait signe au bus d’arrêter. Il constate qu’il y a des sacs qui sont mal arrimés sur le toit du véhicule, et surtout beaucoup trop de passagers. C’est dangereux et interdit. Ceux qui n’ont pas de place assise doivent descendre pour attendre le prochain car. Ils ne doivent surtout pas payer car ils sont en surnombre et voyageaient donc à leurs risques et périls. 

Le chauffeur proteste : « Mais moi monsieur l’agent, qui suis entrepreneur de transport en commun depuis plus de dix ans et.... »

Le policier le tacle : «  Et vous entreprenez sur le dos de vos passagers ! ».

Enfin le véhicule est en mesure de repartir.

 

Dès que le gardien de la paix est hors de vue, le conducteur peut alors le traiter impunément de «  tonton macoute », d’aliéné, de… fonctionnaire, et de bien d’autres noms encore. Et pour se calmer, il glisse le dernier air à la mode dans son mange-disque.

L’incident a réveillé les conversations. L’ambiance à l’intérieur de l’habitacle est maintenant franchement animée, voire festive. Les anecdotes s’enchaînent, jusqu’au prochain « à rester » du passager arrivé à destination.

 

Bref, on ne s’ennuie pas dans les transports en commun. 

 

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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 13:58

 

martinique-carte-illustree-guadeloupe-martinique

 

[25]Sœur jumelle Je te rencontrai pour la première fois, à Pointe à Pitre, mais ne te reconnus pas. Le langage  très  élitiste du plus grand de tes hommes  ou volontairement trivial du plus jeune de tes fils défiait mon entendement. Ton comportement, très différent, restait énigmatique. Tu me tutoyas d’amblée, moi qui ne le faisais que pour mes plus intimes.

Tes grimaces piteuses accompagnées d’un sourire honteux, au moment où tu triomphais, me laissaient dubitative.

 

Je me plongeai dans ta culture, tes écrits  cherchant à déchiffrer l’énigmatique raison de toutes ces attitudes. Tu semblais vouloir vivre comme si dans tout,  tu devais tout surpasser, et surtout ma personne.  Tu montrais tes entrailles sur la place publique. Pourtant, clignant des yeux, je ne voyais rien. Je me questionnai longtemps,  mais tout m’était fermé. Souvent me défiant, tu me disais qu’en tout, tu m’étais supérieure, et  que sans toi, je n’avais nulle raison d’être. Me copiant souvent, me plagiant parfois, me niant toujours,  je sentais ta détresse, mais n’y pouvais  rien, faute de pouvoir en déchiffrer la raison profonde. Je sus que ton seul parti était indépendantiste, alors que le multipartisme garantissait ma liberté.

 

Pourtant un jour, dans une conversation, de quelqu’un qui ignorait tout de toi, te mentionnant vaguement, je pus enfin connaître qui tu étais vraiment.

 

Comme séparées à la naissance, nous suivîmes des destins différents bien que toujours semblables. Tu  donnas à la France, la plus grande négrière que nos îles eussent connue, Delgrès en fut témoin. Ta capitale, Saint-Pierre, si injustement pleurée, ne pouvait rivaliser qu’avec Johannesburg. Dieu, miséricordieux, en vomit la honte. Alors, que mes ancêtres, bien avant Schœlcher, affranchissaient leurs enfants, épousaient leurs mères, leur  donnant leurs terres et leurs biens et les envoyaient étudier dans la mère patrie ; l’abolition te trouva sans terre, ni abri. Tu célébras ta liberté mais bientôt  la pleuras, car, tout était resté aux mains des négriers.

 

L’exploitation a changé, car l’agriculture n’est plus ce qu’elle était. Mais ceux qui jadis fouettaient tes ancêtres, tu leur dit « oui patron », car ils possèdent presque tout le foncier, et ni la République, ni tes diplômes, ni ta valeur, n’y pourront rien changer.

Afin de se différencier et  de perdurer, l’eugénisme est leur loi ; pavanant enfants Aryens, en  demeures ancestrales, qui méritent bien le nom de maisons coloniales.

 

Jumelle homozygote, issue du même œuf, depuis toujours une angoisse m’étreint, un mal-être m’englobe, une colère, une rage, sans raison ni fondement (...)

Des  célébrations nous réunissent parfois, des célébrations  d’une libération lointaine, souvenirs flous, s’estompant peu à peu ; scorie oubliée d’une tâche commencée mais point  finalisée. 

 

Je suis Guadeloupe, sœur jumelle, tu t’es reconnue, Martinique est ton nom.

 

 

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Présentation

  • : le domaine de Chantal Sayegh-Dursus
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