Un jour il a été décrété que c'était la journée des poètes et des jardins dans ma petite ville.
Des voitures à chevaux transportaient gracieusement les visiteurs d'un jardin à l'autre où, mous les poètes les attendions.
Devant l'escalade périlleuse de l'échelle des voitures en question, je decidai de me rabattre sur le jardin le plus accessible à pied, surout que je me remettais tout juste d'une récente fracture. Me voilà donc, avec mes poèmes, plantée désespérement seule, dans un immense parc.
Je m'avançai vers les promeneurs leur proposant, en l'occasion de cette journée de leur lire quelques poèmes.
Les fainéants, les derniers de la classe, les abonnés du dernier rang, les recalés au Certificat d'Etude me jetèrent un regard assassin.
Allais-je les obliger à subir ce qu'ils avaient si astucieusement évité pendant toute leur scolarité ?
Ils étaient prêts, me sembla-t-il, de hurler à l'aide, à l'injustice, à l'atteinte à leur liberté de crétiniser en paix.
Heureusement, je fus accueillie avec joie par les amoureux des belles lettres, qui insistèrent même pour prendre mon nom, mes coordonnées, ainsi que le titre de l'ouvrage [les ventes n'étant pas autorisées in situ ce jour-là.]
Donc pour vendre notre marchandise, écrivains, poètes, philosophes, n'hésitons pas d'en faire goûter des échantillons aux chalands de passage...afin de les aguicher tout simplement, de crainte qu'ils ne croient, ne craignent, que Verlaine était à leur portée, parmi eux, et qu'ils ne l'ont pas reconnu.
"Patchwork de vies" Collection l'Imaginable par Chantal Sayegh-Dursus édité par Le chasseur abstrait