Texte écrit alors que le Président Obama venait d'être élu à la maison blanche et attendait la passation de pouvoir:
Il serait temps de déterrer nos morts...
Une ère se lève, mais les vieux démons veillent !
La tempête a balayé les urnes
Nous laissant pantelants et surpris
Un Monde avance, il nous faut le rattraper !
Nous déplions nos blasons.
Et époussetons nos médailles.
Hier encore nous enterrions un grand homme.
Mais était-ce sa notoriété ou ses combats que nous célébrions ?
Après avoir scruté sa vie et son œuvre,
Mon seul dossier-enquête, non publié,
Dans ce mensuel pour la jeunesse, envoyé le 26 mai 2008,
Je vous le confie ; afin qu’il n’ait pas été écrit en vain :
Ecrivain Martiniquais, qui vécut de juin 1913 à Avril 2008.
Elève boursier, Il fut admis en Septembre 1931 au Lycée Louis-le-Grand de Paris, en hypokhâgne. Il y rencontra le Sénégalais Léopold Sédar Senghor. Ils fonderont avec d’autres amis, tels le Guyanais Léon Gontran Damas et le Guadeloupéen Guy Tirolien, le journal « L’Etudiant Noir ». Cette prise de conscience commune et cette fierté de leur appartenance au peuple noir donneront naissance au mot « négritude ».
C’est dans la douleur, l’aliénation et la servitude, à une époque où Le Code Noir restait encore dans toutes les mémoires, que se fit l’accouchement de la négritude. Car tous les outrages et toutes les discriminations étaient justifiés à cause du pigment de la peau. Ce même mépris identitaire s’appliquait à tous les peuples colonisés. Et à l’Exposition de 1900 toutes ces nations, amenées de gré ou de force à « la civilisation », furent présentées, voire même exposées.
Le métissage effréné, génération après génération, de ceux qui avaient eu le malheur de naître noir était le seul moyen de prendre enfin part à la civilisation des colonisateurs. A l’époque, seuls les postes d’artistes ne leur étaient point contestés tels Joséphine Baker ou Henri Salvador.
(...)
À partir de 1963 furent nommés les premiers préfets ultra-marins.
Pour mieux comprendre la dynamique de cette prise de conscience noire il faut également faire un détour par Frantz Fanon, qui vécut de 1925 à 1961, et est considéré comme l’un des acteurs de l’indépendance de l’Algérie. Il fut un contemporain et un îlien d’Aimé Césaire et élève au Lycée Schœlcher de Martinique où ce dernier enseigna. Il écrivit en 1952 « Peau noire, masques blancs », où il exprime le désespoir de celui qui se sent blanc et a une peau noire ; du moins dont l’humanité est déniée car il a une peau noire. Ce même désespoir d’être noir se retrouve, plus intensément encore, chez la romancière guadeloupéenne Michèle Lacrosil qui écrivit « Sapotille et le serin d’argile » (1960) et « Cajou » (1961). Car il ne faut point oublier qu’à cette époque le fait d’être noir condamnait à une double peine, née dans l’aliénation, qui se poursuivit bien après l’abolition de l’esclavage(*).
C’est encore grâce à Aimé Césaire que les Antilles Françaises, à la sortie de la seconde guerre mondiale, doivent d’être devenues des Départements d’Outre Mer.
Ce statut, qu’il revendiqua et obtint, fut « le prix du sang versé » pour la libération de la France, quand les Antillais s’enfuyaient de leurs îles pour se rendre dans les îles Anglophones des Caraïbes pour se joindre aux troupes en partance pour l’Angleterre ou l’Afrique du Nord et participer ainsi à la libération de la mère patrie.
Mais pour mieux appréhender Aimé Césaire, il ne faut point oublier, l’île dans laquelle il naquit, revint à la fin de ses études, et où il choisit de mourir et d’être enterré.
D’ailleurs, dans « Cahier d’un retour au pays natal », œuvre poétique, parue en 1939, il invite implicitement tous les expatriés à rentrer chez eux afin de mieux aider leurs peuples.
Car en Martinique, avec l’accaparation de presque tout le foncier par les anciens colons et l’existence de quartiers blancs et noirs, tout reste à libérer ou du moins à conquérir. C’est pour cette raison, que de nos jours le parti indépendantiste régit la vie politique locale.
(* )Quand j'ai lu cette dernière phrase le 20 décembre 2012 au Ministère de l'Outre-mer, il y a eu comme un flottement dans l'assistance et j'ai compris alors que les mots '"à cette époque étaient de trop"
Par Chantal Sayegh-Dursus