Punch-frappé
Tous rassemblés place de la République, battant d’un seul cœur, en souvenir des dix à Charlie Hebdo, des trois policiers, des quatre du supermarché juif.
Dix sept sacrifiés pour qu’ils retrouvent enfin tous, ensemble,
Le chemin de la raison et de la solidarité.
Une grande solidarité internationale unissant tous les humanistes, les pacifistes, les intellectuels, les journalistes et sympathisants qui arboraient un emblème en lettres blanches sur fond noir des endeuillés du grand journal satirique sur lequel était inscrit « JE SUIS CHARLIE ».
La police par son héroïsme lors des événements fut saluée et congratulée par tous.
Les courageux qui s’étaient interposés et sacrifiés à l’hyper-cacher, afin de désarmer les terroristes, furent pleurés. Le jeune Malien musulman qui y avait sauvé quinze vies, DEVRAIT obtenir la nationalité française et être décoré.
Les proches des endeuillés furent invités à témoigner.
Les chefs d’Etat des cinquante nations présentes défilèrent côte à côte, les amis et les ennemis.
Tous dénonçaient cette barbarie.
Mais, aussi les FAUX-CULS, les organisateurs des réseaux de ces terroristes au nom du DIEU PÉTROLE étaient tous là …EUX AUSSI…solidaires.
Les assassins de journalistes, les soutiens aux réseaux terroristes, les assassins… d’enfants.
Tous ensemble, eux aussi, stigmatisaient la barbarie de ces actes,
Pas les leurs, ils s’en lavaient les mains
Mais ceux des autres, « ceux de ceux-là. »
Les assassins…
Pustules purulentes d’une époque trouble, où le mal être d’une certaine jeunesse mal aimée, sans avenir, de marginaux sans éducation, sans instruction, sans valeur humaine ou morale, de délinquants sans culture, de déchets de l’éducation nationale, de trop vite emprisonnés, donc manipulables par des réseaux terroristes étrangers,
… Une société malade de ses défaillances,
Un oiseau qui passait par là, laissa choir une crotte ; signant par cette déjection cette grande journée de solidarité internationale.
Dont tous s’enorgueillissaient
Qui avait ravivé l’astre palissant d’une grande Nation qui avait …naguère porté haut les principes, d’Egalité, de Fraternité et de Solidarité
Tous s’en souvenaient encore,
Ils s’en étaient même un certain temps TOUS inspirés ;
C’est d’ailleurs pour cela qu’ils étaient PRESQUE tous venus,
Pour tenter de rallumer
À cette flamme qu’ils espéraient encore vivace
...la leur.
©AirduTemps(TomeII) Chantal Sayegh-Dursus
« (…) une humanité qui, bien que scientifiquement plus avancée, mourrait depuis un demi-siècle vingt ans plus tôt que les générations précédentes à cause des nouvelles maladies (…) »
Il se remémorait encore « La Grande Escroquerie ». Et comment les habitants de la planète avaient été progressivement dépossédés de tous ses fruits.
Cela avait commencé subrepticement par l’autorisation de la culture des OGM contre l’avis et le souhait des différentes nations. Depuis, les puissants lobbies avaient peu à peu imposé leur loi ; acquérant, grâce au label d’« Innovation agricole protégée », les droits de production de presque toutes les plantes cultivées. Car, prétendaient-ils, seuls eux garantissaient des fruits et des légumes imputrescibles, débarrassés de nombreuses maladies. Et ces produits agricoles, sans graines et sans pépins, leur donnèrent rapidement la mainmise sur tous les produits de la terre. Bientôt, plus aucun potager ni verger ne se trouva hors du contrôle de ces trusts. Si certains écologistes résistaient encore, aucun appui ne leur était plus dévolu. Ils devinrent même illégaux et illégitimes. Car tout individu surpris à planter en terre des semences ou à les commercialiser était frappé, grâce au mode de contingentement, des sanctions prévues par « l’Organisation Mondiale du Commerce, de la Concurrence et des Prix ».
Il avait gardé ces graines que son poste important lui conférait la responsabilité de détruire, et choisi le moment de son repos annuel pour poursuivre son expérience. Car pendant la période des vacances, l’étau se desserrait sur les habitants de la Cité. Un Contrôleur débonnaire vérifia rapidement ses bagages. En arrivant à la cabane, il déballa son larcin, puis le disséqua précautionneusement, en extirpant les organes reproducteurs, un par un. Puis il prépara la pulpe pour la conservation afin qu’elle ne perde point sa fraîcheur et ses qualités nutritionnelles. C’était d’ailleurs l’essentiel de sa nourriture depuis de nombreuses années. Ensuite, dans un terreau naturel, il planta la moitié des graines prélevées. Les plants arriveraient à maturité pendant son temps d’inactivité. Ensuite, il veillerait à les conserver en dormance, augmentant ainsi sa réserve au fil des ans.
Quand viendrait l’âge de sa fin d’activité, il rejoindrait les marginaux de la Cité sur l’Île de la Grande Déchetterie, où les bactéries fourmillaient, puisqu’aucun pesticide n’y avait jamais été débarqué. Quand viendrait ce moment, il aurait économisé, il l’espérait, suffisamment de graines pour la planter entièrement.
Il préserverait ainsi une humanité qui, bien que scientifiquement plus avancée, mourrait depuis un demi-siècle vingt ans plus tôt que les générations précédentes à cause des nouvelles maladies. Il fallait qu’il se dépêche d’amasser le maximum de semences avant que l’espèce ne soit totalement effacée de la surface de la planète. Les données étaient là, irrévocables, implacables, il les avait lui-même personnellement compilées…
L’énergie nucléaire était devenue incontournable. Tous étaient conscients qu’elle réduisait la facture énergétique de plus de soixante-dix pour cent.
Un pays qui laisserait passer une telle opportunité compromettrait à jamais toute possibilité future de s’assurer une place honorable dans le Concert des nations.
Quand la vague submergea le Japon et fit exploser la Centrale, tous compatirent, mais c’était là un fait isolé, rarissime, improbable dans tout autre pays. D’ailleurs, là-bas, ils avaient connus maints autres raz-de-marée catastrophiques et menaces identiques. Ce n’était malheureusement pas la première fois, et ce ne serait certainement pas la dernière.
L’Inde prudemment reporta puis annula ; supputant qu’un pareil séisme ou du moins un simple tremblement de terre sur un terrain instable où devrait s’implanter un site nucléaire produirait une catastrophe encore plus désastreuse. Cette sage précaution produisit peu d’émules. Ce ne fut considéré que comme un manque à gagner pour les installateurs de Centrales et un immense pas en arrière pour la modernisation du pays.
Pourtant le Grenelle de l’Environnement aurait permis dès 2007 une prise en compte de ces énergies non recyclables, un désengagement progressif aurait encore été possible à l’époque, comme cela fut le cas dans deux pays phares de la Communauté européenne, qui ne souffrirent pour autant, de par ce choix, ni dans leur croissance économique, ni de la remise en cause de leur place au sein du G8.
Mais à l’époque dont nous parlons les lobbys du nucléaire, tout puissants, ainsi que ceux des pétroliers dictaient leurs Lois dans le domaine de l’énergie. Les rares chercheurs qui se lancèrent dans la recherche d’énergies de remplacement furent assurés, en ce temps-là, de ne connaître de leur vivant aucun changement significatif mettant en application leurs avancées pourtant non négligeables.
L’hexagone n’était-il pas le seul pays qui pouvait offrir au Monde entier une facture nucléaire civile de pointe; permettant ainsi un pas significatif vers une énergie dite propre.
Il pouvait non seulement installer, mais aussi traiter les déchets et grâce à ses avancées technologiques supérieures ; plus novatrices que celles de tout autre pays, et aider également à démanteler l’ensemble des Centrales arrivant en fin de vie.
Certains écologistes se battirent pourtant pour que nul résidu nucléaire ne fut enterré, du moins pas dans leur voisinage immédiat, lorsque le producteur hexagonal chercha plus de trois mille sites pour l’enfouissement des déchets traités. Ils furent sans aucun doute ensevelis dans des terres vierges ; dont les peuples ne bénéficiaient encore d’aucune implantation de cette énergie de pointe. N’avait-il pas été convenu de payer pour polluer lors d’un Grenelle de l’Environnement ?
Les raz de marées, ou les tremblements de terre sporadiques, se passaient de toute manière ailleurs.
Les propositions d’installation faisaient partie en ces temps-là du dernier gadget à la mode offert à tous ; allant de pair avec un savoir-faire éprouvé.
Il ne fallait plus en douter, l’industrie nucléaire contribuait en outre à rééquilibrer chaque jour une Balance Commerciale fortement malmenée par la conjoncture économique et par la toute récente crise des subprimes. Y renoncer, certains allaient même jusqu’à l’affirmer, équivaudrait à la fois à un non sens économique, financier et social.
Il y avait pourtant eu un avertissement quand la mer submergea la terre dans le Nord-Ouest. Mais à cette époque, nul ne s’émut de l’emplacement des principale Centrales puisque l’eau était indispensable au refroidissement du cœur des réacteurs.
Ainsi allait le monde ! Jusqu’au jour où…
=
Les taxes et les impôts avaient encore augmenté. L’Euro qui devait être la pierre angulaire d’une fédération économique, fiscale et politique européenne n’avait contribué en fait qu’à l’appauvrissement général.
Cela s’était fait imperceptiblement, car le prix des biens d’équipements et d’habillement avaient décru pendant cette même période de manière spectaculaire. Donc beaucoup avaient d’abord cru que leur niveau de vie s’était notoirement amélioré. Mais cet équilibre précaire fut acquis au prix de la délocalisation du tissu industriel local vers les pays les plus pauvres, s’accompagnant de saignées drastiques dans le domaine social. Puis, forts de ces coûts minima de main d'œuvre obtenus ailleurs, des affairistes exigèrent que ceux-ci soient également appliqués au territoire national.
C’est alors qu’apparurent les ratiboiseurs.Ils se manifestèrent tout d’abord dans la fonction publique. Le capital forestier national ne fut pas épargné, ni la santé, et encore moins les hôpitaux… La crise n'était-elle pas un excellent prétexte ? L'on décida de taxer la bière, l'alcool des pauvres et des chômeurs. Suivrait sans doute le ticket de loto de deux euros qu'ils misaient chaque semaine à leur troquet favori. Ces derniers fermaient d'ailleurs par centaines. Mais ne fallait-il pas relancer l'emploi ? Les retraités qui payaient à taux plein leur mutuelle fiscalement non déductible, et aidaient bon an mal an leurs enfants, chômeurs dès cinquante ans et par ricochet leurs petits enfants, furent désormais désignés comme des nantis, et lourdement imposés. Mais ne fallait-il pas encore une fois contribuer à la relance de la consommation ? Les avantages sociaux des travailleurs furent considérés comme des privilèges exorbitants, d’un autre siècle. Et nombreux furent ceux qui vinrent même à prétendre que seul le Code du Travail était responsable de la crise et de la non compétitivité de l’économie. Ainsi, les stages à moins de deux mois d’activité augmentèrent de façon spectaculaire, puisqu’ils n’étaient pas payés. Et l’on vit même, dans l’indifférence générale, un reportage, où un employeur, possédant deux magasins, ne régler que six salariés sur les vingt-huit en poste, en toute légalité.
C’est ainsi que les voleurs exerçaient sur la place publique sans que nul n’en trouvât à redire, car cela était censé booster l’économie. Les journaux étaient donc édités sans journalistes. Le bâtiment et la restauration, pourtant prétendument vecteurs d’emplois fonctionnaient, sans employés. Les groupes du CAC40 ne payaient plus d’impôts, s’auto-exonéraient des charges patronales. Tous s’extasiaient du chiffre du chômage qui n’avait jamais été aussi élevé. Et surtout, un tiers des actifs nationaux, stagiaires, travaillaient sans être rémunérés.
Comment extraire l’eau du désert ?
Mais tous s’interrogeaient encore. Comment faire consommer cette population active sans rémunération, ou à rémunération réduite, et surtout comment lui faire régler des impôts que les Grands groupes rechignaient à payer ?
Alors se multiplièrent les sites de rachats de meubles, de livres, de vêtements : les derniers deniers, les derniers souvenirs de famille, transmis précieusement génération après génération. Enfin vint l’escroquerie finale, pour ceux qui ne possédaient plus rien : « la transformation de l’or en argent. » : l’alchimie ultime, le marché de dupes extrême.
29 septembre 2012
Tu devrais avoir honte, mais tu méconnais ce sentiment. Tu as l’esprit étroit. Tu affirmes et réfutes. Mais tu ne crées rien ; trop de préjugés. Tu n’es que préjugés. Le bras tendu tu éructes. Tu vomis ta haine. Les frustrés se reconnaissent en toi. Tu es la bannière des ratés. L’échec c’est l’autre. Le manque c’est (la faute de) l’autre. Tu es le grain de chardon (coincé dans la pierraille). (En arrachant toutes les autres) tu veux être la seule fleur. Ta laideur sera belle. Mais, auparavant, il te faut détruire le beau. Donc, tu t’acharnes. Les crétins, les sots, seront rois demain. Cela tu l’as promis. C’est ton programme. Tes semblables t’acclament. Mais auparavant il te faut tout raser. Donc tu vitrioles (la palette de) toutes les couleurs. Seule la tienne doit rester.
Elle est gris anthracite !
Elle se dépêchait, car c’était le dernier jour, le dernier jour après une année de travail acharné, la dernière opportunité de pouvoir enfin livrer la totalité de sa dernière collection. Cela faisait des mois qu’elle y travaillait, et les avais enfin répertoriés, tous les vingt meilleurs éditeurs. Il était convenu qu’ils se rencontreraient aujourd’hui, et ils l’attendaient tous.
Ensuite viendrait l’heure du choix ; une semaine toute entière pour effectuer une étude comparative et approfondie de leurs différents contrats.
Sa fille l’accompagnait aujourd’hui.
Une foule impressionnante, se bousculait, s’agglutinait aux rares guichets qui la canalisaient, la filtraient. Quand elles s’y présentèrent, elles durent toutes deux montrer patte blanche. Car, comme d’habitude à ces Salons, il y avait autant d’auteurs aspirants, leurs manuscrits sous le bras, que d’éditeurs et d’écrivains présents. D’ailleurs c’étaient ces derniers les plus gros acheteurs. Les autres, simples lecteurs, venant par pure curiosité, feuilletaient, questionnaient, mais ne faisaient généralement que de maigres achats. C’est pour cette raison que le ticket d’entrée leur était facturé au prix fort, car tous en convenaient : ils encombraient et gênaient tous les initiés de l’écriture, les acharnés et les bourreaux du traitement de texte, les mordus et les idolâtres de la création littéraire, les adorateurs du livre.
Le Salon était grouillant de monde, bruyant, exubérant, comme un gigantesque anaconda se nourrissant de son essence même, et se régénérant par sa propre dynamique.
Elle espérait aussi aujourd’hui ; profitant de l’opportunité du Salon, faire rapidement, et à un coût tout à fait raisonnable, une copie analogique de tous les ouvrages convoités. Elle avait d’ailleurs emporté son Xpad à cette fin. Elle enrichirait également sa collection papier de quelques exemplaires rares d’époque qu’elle espérait bien y dénicher. Son budget prévisionnel de la journée prévoyait une emplette de plus d’une soixantaine d’ouvrages, ou d’avantage, selon ses coups de cœur du moment.
On peut dire qu’elle était maintenant un auteur reconnu, car elle avait produit bien plus de vingt livres que maintenant tous s’arrachaient. Mais auparavant, il avait bien fallu se faire connaître. La biographie d’un homme politique controversé, expédiée en moins d’une semaine, lui avait ouvert les portes des plus grands journaux nationaux, et réussi à la faire apprécier, là où ses enquêtes fouillées sur des sujets d’actualité n’avaient rencontré qu’indifférence générale. Ensuite il avait fallu s’assurer qu’aucun des manuscrits qui attendaient leur heure sur ses nombreuses clés USB ne connaissent une fin de vie prématurée, si elle les confiait à l’éditeur inadéquat. Le succès de son premier ouvrage l’avait heureusement rendue populaire. Elle avait pu choisir ainsi ceux dont les canaux de distribution lui garantissaient une promotion et une diffusion mondiale assurée et immédiate. Maintenant elle s’attaquait à la Collection Jeunesse, et cela avait été plus qu’ardu, car quoi imaginer après Tunnels, Harry Potter et Twilight Mais elle n’en doutait pas ce qu’elle venait de produire serait un immense succès, étonnant, innovant et éclipserait de loin tous les autres.
Si sa fille était venue aujourd’hui, c’est parce qu’elle se destinait à une filière littéraire. Comme elle était actuellement en 4e, elle avait déjà publié ses trois premiers livres, comme exigé et convenu dans son programme d’éducation. En Terminale, elle en serait au 7e. Sa mention au Baccalauréat dépendrait de son lectorat. Entre temps elle enrichissait chaque jour ses réseaux sociaux de dizaines de nouvelles connaissances. Mais c’était pour elle chose facile, grâce à une vie sociale fort active ; elle dirait même très agitée.
Mais c’était encore, parait-il, les années d’or de l’écriture. Elle avait ouï dire que les temps seraient de plus en plus durs pour la création littéraire, surtout depuis qu’avec les nouveaux logiciels éducatifs, dès les premières règles d'écriture acquises, les plus jeunes dans les Ecoles primaires s’étaient déjà mis à l’autoédition ; les correctifs d’orthographe leur assurant une syntaxe parfaite.
Le langage parlé des parents favorisait, il est vrai, les élites. Mais même un parler trivial était vivement encouragé car il avait aussi son lectorat ; bien qu’il ne fût pas encore accepté dans les grandes bibliothèques nationales.
13 mai 2011
Air du Temps- ©CopyrightFrance.com
Il marchait depuis bientôt trois jours sur ce sol ocre, craquelé par la saison sèche, la tête bourdonnante et les lèvres fendillées. Ses pieds crevassés soulevaient, sur la piste roussâtre, de petits nuages de poussière tourbillonnante. Seul le déglutissement de sa salive lui donnait encore une illusion de fraîcheur.
L’oued était sec depuis le début de la saison. Seul le trou d’eau permettait de remonter encore un liquide rouge et saumâtre dont on abreuvait le bétail. Pour la consommation des hommes, il aurait fallu la filtrer, puis la faire bouillir. Mais les buissons d’épineux faisaient un piètre combustible, qui ne servait plus qu’à la cuisson des aliments.
Son dernier né était brûlant de fièvre ; et les décoctions s’étaient révélées impuissantes à endiguer cette diarrhée qui drainait sa vie jour après jour
Ne pouvant se résoudre à attendre ce qu’il savait inéluctable, il était parti.
Le sol, sous ses pas, était comme un lit de braises, et seule une marche rapide lui permettait d’en supporter les feux.
Il n’en n’avait pas toujours été ainsi. Auparavant, les arbres fruitiers ombrageaient la vallée. Mais les fruits étaient moins constants que les récoltes de mil et de sorgho et tout avait été arraché. Les ondées diluviennes des saisons des pluies avaient fini par emporter les quelques racines qui maintenaient ensemble les mottes de terre. L’agonie de ce sol avait été longue sous l’ardeur du soleil. Dans ce paysage désolé, où l’eau semblait maintenant un mirage du passé, la terre usée, désespérée, semblait bien morte à jamais, et son aspect grumeleux la faisait ressembler, chaque jour d’avantage, au sable du désert. Le vent tourbillonnant emportait tout ce qui pouvait encore subsister à quoi l’homme pu encore s’accrocher. Une faune de serpents, de scorpions et de fennecs surgie d’on ne savait où, avait colonisé peu à peu les anciens champs, rendant encore plus hostile cette terre qui leur devenait chaque jour un peu plus étrangère.
Maintenant, il aurait fallu aller plus au sud, peut-être, pour retrouver les pâturages d’antan.
Il cheminait donc à la recherche de l’oued miraculeux, se laissant guider par la course des astres.
Épuisé, il s’abrita à l’ombre d’un baobab, mâcha quelques dattes et but à sa gourde de chiches gorgées de l’eau douceâtre qu’il avait emportée. Il se calla entre les racines noueuses pour tenter de trouver un sommeil réparateur et sombra d’un coup. Il se sentit tomber comme une pierre au fond d’un puits sans fin, et se réveilla en sursaut, comme tétanisé. Mais la fatigue de son corps calma progressivement son esprit enfiévré, et il fut emporté dans un monde onirique où l’eau baignait toute chose. Elle surgissait des montagnes et drainait des vallées verdoyantes. Tout était eau et chatoiement d’eau. Irisée elle se reflétait dans les torrents, les cascades, se manifestait par des pluies légères et rafraîchissantes, ou dans les cristaux multicolores, qui tombaient du ciel en tourbillonnant.
Alors, il se rêva ailleurs, dans des contrées, où les erreurs des hommes ne leur étaient pas encore fatales. Il se vit dans un monde où il pourrait tout revivre et tout recommencer.
C’est ainsi qu’il débarqua un jour, dans un canot échoué.
C’était l’hiver, un hiver rude, un hiver où les canalisations éclataient, où des gangues de glaces enserraient les véhicules encore chauds la veille, où les sans abris mouraient d'hypothermie ; la tiédeur des bouches d’aération se révélant insuffisantes à les réchauffer.
On le retrouva, au petit matin, dans un terrain vague, près d’un feu de cageots, allongé dans la neige, souriant, les bras ouverts, comme comblé, emmitouflé dans un manteau de cristaux ; son rêve de fraîcheur et de foisonnement aquatique enfin réalisé.
Broché
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