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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 23:40

 

 

 

bougie allumée

 

 

Emma était assise à son bureau quand le téléphone sonna. Une voix féminine inconnue lui demanda si elle connaissait une certaine Madame Marsha H., car elle avait ramassé son sac à main dans le caniveau. Dans son carnet d’adresse, elle faisait partie des personnes à contacter en priorité. Emma prit les coordonnées  de la dame afin de pouvoir faire récupérer le sac. Et après avoir essayé en vain de joindre sa belle-mère à son domicile, elle contacta ses deux beaux-frères parisiens qui se révélèrent impuissants à la renseigner.

Comme il était relativement tôt, Emma chercha sur le minitel le numéro de téléphone du Commissariat  le plus proche du domicile de Marsha. Mais l’appel fut infructueux. Elle essaya alors celui du poste de Police. Mais comme il était plus de dix-sept heures, elle trouva le personnel sur le départ, et eût le plus grand mal du monde à convaincre d’effectuer les vérifications qu’elle demandait le jour même. Elle sut certainement trouver des arguments convaincants, car au bout d’une attente de plus d’un quart d’heure, elle eut enfin « le nom de l’hôpital où l’on avait déposé la dame.»Un appel rapide à ce dernier lui confirma qu’elle s’y trouvait bien. Mais elle ne put obtenir des renseignements sur son état de santé, car ceux-ci n’étaient pas fournis par téléphone. Elle informa donc son mari et ses deux beaux-frères du résultat de ses recherches. 

 

Sa belle-mère, bien que faiblement commotionnée, était surtout très choquée psychologiquement.                                            

L’attaque brutale et surtout les mots prononcés, les deux derniers spécialement, l’avaient fortement marquée. En outre, depuis quelques jours elle dormait mal, et était souvent saisie par des angoisses nocturnes. En ces moments-là, elle appelait ses fils. 

L’on envisagea alors de la faire venir à Montmorency, où elle serait dans une ambiance plus favorable à son rétablissement. Cela semblait même être la seule solution envisageable. Bien que les filles d’Emma ne soient pas très enthousiastes, car elles n’avaient jamais été très proches de cette grand-mère qui ne les avait jamais gardées.

 

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 23:46

bougie allumée 

 

 

Aujourd’hui elle appellerait son fils. Car cela faisait maintenant plus de deux ans qu’elle ne s’était pas rendue à Montmorency. Il était grand temps que cela cesse.                                                                            

Comme il faisait beau aujourd’hui, elle irait au supermarché qui se trouvait à  environ deux cents mètres de son domicile, et achèterait des cerises, car l’on était en pleine saison. Elle espérait trouver des Burlats. Si elles étaient aussi grosses et juteuses que celles de l’an passé, elle en prendrait bien deux kilos. Celles qu’elle ne consommerait pas lui serviraient pour un clafoutis.

 

Bien que possédant  un chéquier  et une carte de crédit, Marsha répugnait à effectuer ses paiements avec des supports virtuels. Elle adorait par contre manier de grosses liasses de billets, qui non seulement lui donnait le sentiment d’appartenir à une élite opulente, mais aussi la rassuraient sur la tangibilité de ses achats.  Ce jour-là, pourtant, elle aurait du se contenter des quelques billets que contenaient encore son portefeuille, et qui auraient amplement suffi au paiement des emplettes qu’elle s’apprêtait à effectuer. Car elle ne réalisa pas qu’elle était accompagnée. En effet, elle était suivie ; certainement pas par vraiment un voyou, au vu du comportement qui fut le sien par la suite, mais peut-être par un RMIste, qui, depuis qu’elle avait fait cracher au distributeur du magasin 2000 Francs en  espèces, en billets de deux cents francs, ne lâchait plus son sac à main des yeux.                 

 

Alors qu'elle arrivait à la porte de son immeuble, un charmant jeune homme semblait vouloir également y pénétrer. Au lieu de se mettre en retrait et d’attendre qu’il le fasse, Marsha s’empressa d’activer le code confidentiel des occupants de la résidence  et alla même jusqu’à lui céder le passage. Ils attendirent donc tous deux l’arrivée de l’ascenseur. Mais une fois dans celui-ci, ce jeune homme, à l’apparence si respectable, activa le maintient d’ouverture de la porte d’une main et de l’autre la bouscula avec un vulgaire :


« Donne-moi ton sac à main la vieille ! »


L’attaque avait été si violente et soudaine qu’elle glissa et se trouva allongée à même le sol. Pris  sans doute de remords, son agresseur la releva, la sortit de l’ascenseur et l’assis  dans le hall d’entrée, le dos contre la baie vitrée, puis, s’en alla d’un pas tranquille. Elle resta dans cette position inconfortable, jusqu’à ce qu’un voisin la trouvant ainsi installée prévienne la police et les pompiers.

 

(...)

 

 

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 14:48

bougie allumée

 

 

Après avoir pris avis auprès de la maison-mère, le Directeur financier accepta sa démission. Bizarrement, loin d’éprouver une quelconque déception,  Emma se sentit comme libérée ce jour-là, et commença à mettre à jour tous les dossiers non-urgents qu’elle refoulait au fond de ses tiroirs et dont elle remettait le traitement, jour après jour. Après avoir minutieusement rangé son bureau, elle créa même des livres de procédure pour l’informatique, la statistique et les États financiers.

Une  comptable vietnamienne qu’elle avait au départ prise pour l’aider et qui en fin de compte ne répondait plus qu’au Directeur Financier semblait se réjouir de son départ. Comme elle avait passé deux mois à la former à son arrivée, elle la remplacerait peut-être.

 

Après tant de fatigue accumulée son organisme se relâcha d’un coup, et ce jour-là Emma resta clouée au lit avec plus de 39° de fièvre. Elle en avisa le bureau. C’était la première fois qu’elle s’absentait depuis son entrée en fonction. Mais il était écrit qu’elle ne se reposerait pas ce jour-là. Après avoir reçu plusieurs appels téléphoniques énervés et courroucés du Financial Controller, elle décida de décrocher son téléphone, s’emmitoufla dans ses couvertures et s’endormit du sommeil du juste, tout en souriant à la pensée qu’il n’avait qu’à la faire licencier s’il n’était pas satisfait.

 

Le lendemain il l’accueillit d’un air penaud dès la porte d’entrée.  Apparemment sa lune de miel avec le Directeur Financier était terminée. Ce dernier s’adressait maintenant à lui d’un ton sec ; le mettant maintenant quasiment sous ses ordres à elle, et il demanda à Emma de mettre à jour ses dossiers, car, le lendemain,  le Directeur Général et un financier de la maison mère seraient dans leurs bureaux.  Il l’informa également qu’il faudrait se séparer de la Comptable qui ne remplissait aucune des attributions que l’on  attendait d’elle.

 

 (...)

 

 

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 00:41

bougie allumée

 

(...)

 

Elle venait de changer d’appartement afin de vivre dans un quartier correspondant mieux à son train de vie et surtout à ses fréquentations actuelles. Bien  que plus petit, il était nettement plus moderne, donc plus facile d’entretien. En outre il répondait d’avantage aux nouvelles normes environnementales qui étaient progressivement mises en place par le gouvernement.

 

 L’entrée était commandée par une clé et un digicode. Un hall orné de miroirs donnait  une apparence cossue à l’immeuble. En le suivant l’on accédait aux deux ascenseurs et à l’escalier de secours ; permettant d’accéder aux étages et aux parkings. Ce qui la changeait fort de  l’immeuble précédent qui ne possédait, lui, qu’un seul escalier. 

 

Mais en quittant son précédent logement elle avait du se délester, chez les Compagnons d’Emmaüs,  de nombreux objets meublants et autres bibelots, représentant  tout le surplus qu’elle n’arrivait pas à caser dans les caves de ses fils ; dont l’imposante salle-à-manger ramenée de Tanger, qui se révéla trop encombrante pour les appartements parisiens des deux plus jeunes et  pour la villa de Montmorency de son aîné. Il avait fallu qu’elle se sépare également des différents tableaux ou diverses croûtes qui couvraient jusque-là ses murs, afin de choisir des compositions plus épurées et surtout plus en adéquation avec son nouvel intérieur.  Cela ne s’était pas fait sans un certain déchirement, car elle tenait énormément à tout ce fatras de meubles et d’objets, qu’elle avait chiné au fil des ans ; qui représentaient de nombreux souvenirs  et étaient surtout chargés, il faut le reconnaître, d’une certaine charge émotionnelle. Ils lui rappelaient l’époque de son mari, quand il était encore vivant, et que leurs enfants partageaient leur toit. 

 

Dans le nouvel immeuble, il  avait plusieurs familles apparentées. C’est ce qui l’avait d’ailleurs encouragé à y emménager.  Une supérette au rez-de-chaussée, ainsi que divers magasins, des restaurants  et un marché aux fleurs, donnaient au quartier une ambiance assez animée, sans pour autant être bruyante ; les bruits  de la rue étaient d’ailleurs étouffés par les rangées de platanes dont elle était bordée. 

 

 (...)

 

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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 15:55

bougie allumée

 

(...)

 

L’adjointe allemande de la Directrice des achats venait de donner sa démission après qu’une augmentation de salaire lui eut été refusée. Ce qui permit de s’apercevoir que sa supérieure hiérarchique ignorait tout des procédures du Groupe, et était même incapable de saisir toute la complexité des tâches que sa subordonnée  accomplissait chaque jour. Mais la Directrice prétexta alors que la gestion du magasin, qu’elle jugeait aléatoire, était la seule cause de la désorganisation de son service. Après qu’elle eut réalisé un « Project plan » fort ambitieux, il faut le concéder, on lui confia donc la responsabilité de ce dernier.  Mais, pour se faire, elle du libérer le bureau qu’elle occupait jusque là et descendre d’un étage. Ses horaires de travail s’accrurent immédiatement de plus de vingt pour cent, sans qu’il en découla pour autant une quelconque amélioration probante sur la qualité de son travail. Comme Emma l’avait si souvent vu dans les Sociétés Internationales, à partir de cet instant, pour des raisons stratégiques de gestion de carrière certainement, l’ancienne Directrice ne trouva face à elle que des regards fuyants et ne perçut plus que le dos de ses anciennes collègues-amies, avec qui elle avait eu auparavant tant de plaisir à deviser à la cafétéria ou au Restaurant d’entreprise.                                                                                                                                    

Deux bureaux de plus s’étant trouvés libérés à l’étage, le Directeur financier s’empressa de les remplir en embauchant un informaticien, débauché d’une start-up informatique et un Financial Controller, sans Directeur, après que le sien eut été licencié d’un grand groupe de chimie hexagonal.

 

Emma décida que le moment de quitter l’entreprise  était arrivé. Le salaire qu’elle percevait et le titre figurant  sur sa fiche de paie, la rendaient facile à placer par n’importe quel Cabinet de recrutement et même par n’importe quelle Agence d’intérim spécialisée dans le placement   des Cadres. Le seul risque encouru était de n’effectuer désormais que trente-neuf heures de travail par semaine et surtout de n’avoir plus aucun nouveau challenge à réaliser.  Mais celui qu’elle venait de remplir ne lui avait strictement rien apporté. Il lui avait simplement prouvé une fois de plus que rien n’était vraiment irréalisable avec de la volonté et une bonne dose de travail. Si l’on lui proposait maintenant un nouveau défi, elle serait attentive, cette fois, à ce qu’il s’accompagne de perspectives de promotion et de salaire. C’est dans cet état esprit qu’elle frappa ce jour-là à la porte du bureau du Directeur financier, afin de lui réclamer, d’un ton rogue et, l’on peut même le qualifier, de nettement agressif, une augmentation de plus de quarante pour cent de son salaire actuel, ainsi que le titre de Contrôleur  de Gestion Europe.  En blêmissant, ce dernier lui répondit que, comme il était fort débordé depuis le départ du Directeur Général, il avait décidé de se libérer afin d’accomplir d’autres tâches. C’était d’ailleurs la raison de l’embauche du Financial Controller, qui devrait la soulager du reporting et pourrait également rendre compte au Groupe des Etats financiers des différentes filiales. Elle devrait être satisfaite d’avoir maintenant quelqu’un sur qui elle pourrait s’appuyer et se reposer, et il comptait sur elle pour le former. Il lui savait gré du travail accompli et augmentait son salaire annuel de vingt pour cent qui correspondait à une prime de participation aux bénéfices de l’entreprise. En effet, depuis qu’elle était entrée en fonction le chiffre d’affaires de la Société avait cru de plus de quarante pour cent ; augmentation qu’elle avait amorti sans broncher, et surtout sans impact sur la qualité de son travail.

 

La pilule, bien qu’amère, avait été si habilement enrobée qu’elle aurait du être facilement avalée , si le jeune Financial Controller n’avait laissé maladroitement échapper, lors d’un repas au Réfectoire, arrosé d’un A.O.C peut-être trop fortement dosé, que l’on avait bien insisté lors de son recrutement pour qu’il fut capable de gérer quelqu’un de nettement plus compétent et qualifié qu’il ne l’était lui-même…

 

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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 16:38

bougie allumée

 

 

Elle avait emménagé à Paris en 1949 après deux années passées à Bougival, dans la banlieue ouest. Son mari mourut vingt ans plus tard des suites d’une longue et douloureuse maladie.

Ses enfants avaient quitté peu à peu l’appartement, au fur et à mesure de leurs mariages. Elle vivait maintenant seule en compagnie de ses meubles et de ses tableaux, et s’était progressivement trouvé des occupations, en participant à des activités littéraires ou artistiques, qui consistaient généralement à la lecture d’ouvrages qui étaient ensuite commentés, et à la visite guidée des grands Musée nationaux. Parfois, avec une Association culturelle, elle se rendait à un Concert ou encore à une représentation théâtrale à la Comédie Française. Il lui arrivait également d’aller skier avec des amis et de voyager de temps à autre. Elle avait ainsi effectué des séjours organisés en Inde, en Thaïlande, en Angleterre, en Pologne, en Grèce, en Israël ainsi qu’aux  Baléares. Elle s’était également essayée au scrabble et au bridge, mais ses partenaires de  jeu avaient l’art de l’agacer et de l’exaspérer, aussi elle avait espacé les rencontres, surtout depuis qu’un « biscuit » lui eut été dérobé dans l’une de ses vitrines à l’occasion d’une partie qui s’était déroulée à son domicile. La course aux affaires lors des soldes qui l’avaient tant passionnée quand ses enfants étaient encore à la maison, chez Franck et Fils, par exemple, la fatiguaient maintenant. Aussi l’une de ses belles-filles parisienne, lui faisait ses emplettes. Elle tricotait à l’arrivée de chaque nouveau né et préparait lors des repas de famille l’une de ses nombreuses spécialités d’Europe de l’Est, ainsi que celles apprises lors de son séjour en Afrique du Nord. A l’occasion des anniversaires, elle confectionnait de délicieuses pâtisseries viennoises, mais en si grande quantité que, bien que partagées entre tous, elles prenaient bien une semaine entière avant d’être complètement  écoulées. On la sollicitait également pour ses dentelles en relief, spécialités de son pays d’Europe de l’est, qu’il fallait amidonner avant de les repasser longuement. 

 

 Depuis que son fils aîné vivait dans la vallée de Montmorency, tout au Nord de Paris, elle aimait y passer quinze jours à la sortie de l’hiver,   ainsi que lors des fêtes de fin d’année, et un mois quand la canicule de l’été alourdissait l’air de la Capitale. Tout était calme, tranquille. L’on se serait cru en Province. Elle qui avait tant de mal à s’endormir et se réveillait souvent la nuit, s’assoupissait dès qu’elle était couchée, et dormait comme un bébé. Et maintenant sa belle-fille oserait lui interdire la maison de son propre fils ?

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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 23:35

bougie allumée

 

 

Elle pensait aux cartes qu’elle pourrait jouer dans cette nouvelle organisation. Bien qu’elle entraperçoive de nombreuses possibilités, aucune ne lui donnait entièrement satisfaction. Il aurait fallu qu’elle délègue l’intégralité de ses tâches actuelles afin de  se consacrer aux états financiers consolidés européens que les Etats-Unis semblaient réclamer à cors et à cris depuis de nombreuses années. 

En effet, en rangeant les archives rapatriées du Cabinet d’expertise comptable anglo-saxon, elle avait constaté que d’autres dossiers attendaient d’être archivés ; une copie des reportings financiers de toutes les filiales européennes, ainsi que des statistiques présentant les mêmes caractéristiques que les siennes, et  surtout de nombreux courriers de rappel de la maison mère américaine réclamant des Etats consolidés. Mais il semblait évident que le Directeur Financier pas plus que le Contrôleur de Gestion n’avaient nulle envie, ni peut-être aucune compétence pour s’y attaquer.                                                                                                    

Pour accéder à la fonction qu’elle convoitait,  il aurait fallu se séparer de ces deux collègues budgétivores, afin d’être en mesure de  recruter les assistants capables de reprendre les tâches qu’elle effectuait auparavant.  Dans ce cas précis un Cabinet de conseil en organisation aurait été le bienvenu. Mais les Américains ne semblaient pas avoir envisagé la nécessité d’un audit des tâches et des compétences ; et surtout pas l’intention d’effectuer des dépenses de cet ordre,  car leurs préoccupations étaient apparemment toutes autres.

 

  La lutte semblait par contre ouverte entre le Directeur financier et le Directeur commercial pour savoir qui « rapporterait »aux U.S, et surtout qui s’assoirait au bureau du Directeur Général qui était maintenant vide.  

 

 Une autre rivalité semblait s’être engagée entre la Secrétaire de Direction (qui se partageait maintenant entre les deux Directeurs susnommés) et la Directrice des Achats contre le Contrôleur de Gestion.

Il était certain que cette dernière, basant ses budgets sur des données non statistiques, même franchement fantaisistes,  étaient très controversée au Siège Social. Surtout qu’elle prenait ses ordres et ses données du Directeur Financier qui lui transmettait n’importe quoi, car il la considérait sans doute comme une rivale directe, ou peut-être ignorait-il tout simplement les bases de constitution d’un budget ; bien qu’Emma lui en fournisse mensuellement toutes les données.

Le Contrôleur de Gestion, qui était donc de par ce fait la plupart du temps inactive, justifiait sa fonction en contrôlant les moindres tâches de ses collègues, déclenchant ainsi leur animosité.

Emma fut surprise, quand un matin, elle trouva un bouquet de lilas sur son bureau, le même qui trônait d’ailleurs sur ceux de la Secrétaire de Direction et de la Directrice des Achats ; afin de lui signifier certainement qu’elles l’associaient à leur lutte. Pour sa tranquillité, elle ne confirma ni n’infirma cette adhésion. Mais ces bouquets  produisirent l’effet escompté sur le Contrôleur de Gestion qui perdit littéralement la tête. Subodorant un complot qui la visait ; sachant qu’Emma possédait un jardin, elle vint tout de go s’enquérir auprès d’elle des raisons de cette distribution de bouquets qui l’excluait. Devant sa dénégation, quand elle lui eut dit que ces fleurs ne provenaient d'aucun de ses bosquets, elle devint cramoisie de colère et se précipita vers le bureau du Directeur financier ; afin peut-être de lui  faire part de l’ostracisme dont elle était frappée. Ce dernier, saisissant la balle au bond, lui signifia son licenciement.    

(...)  

 

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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 19:02

bougie allumée

 

Ils avaient eux aussi connu les tickets de rationnement au Maroc pendant la guerre, avec toutes les privations que cela signifiait. Elle plus que tout autre, car elle n’était que la bru. Quand un invité surprise se présentait, elle devait feindre de rester à la cuisine pour aider la bonne, mais en fait, c’est parce que si elle s’était venue à table son assiette aurait été vide. Donc par orgueil familial, il valait mieux donc qu’elle s’abstienne de s’asseoir avec les autres.                                  

 

Comme sa belle-mère était souvent souffrante, à cause d’un mal qui finit par l’emporter, elle devait remplir la plupart des tâches d’une maîtresse de maison, et surtout avait pris la responsabilité d’aller chercher le lait à quatre kilomètres  de chez eux. Car à cause de la canicule celui-ci tournait facilement. Elle courait donc en rentrant, car, s’il  changeait de texture,  il ne lui resterait plus qu’à le faire cailler pour réaliser du fromage. Mais quand les enfants étaient encore bébé, c’était vraiment une course contre la montre.  

 

Quand ils revinrent en France en 1947, son frère l’informa que leur sœur venait de décéder des suites d’une terrible grippe. En effet, depuis la guerre, elle était souffreteuse à cause des carences alimentaires.  Tout le sucre, l’huile et le savon qu’Emma avait entreposé chez eux avaient été pillés par leurs voisins, dès qu’elle était retournée dans le Sud-ouest. L’huile et le sucre ; des aliments indispensables. Maintenant elle les mélangeait pour constituer une sorte de pâte dont elle tartinait les tranches de pain du gouter de ses enfants. Avec les kilos de semoule qu’elle entreposait, elle leur faisait du couscous sucré pour le petit déjeuner, auquel elle ajoutait des raisins secs, et versait par-dessus une grande lampée de lait bien chaud. Il ne fallait surtout pas qu’ils s’affaiblissent pendant l’hiver. Surtout que l’air parisien favorisait les rhumes et les infections. Avec de vieux pulls qu’elle démaillait, elle confectionnait des chaussettes pour toute la famille. Le reste du temps elle tricotait de minuscules mi-bas en laine blanche qu’elle portait avec ses robes.  Il ne lui restait plus qu’à dessiner un fil au crayon tout au long du mollet pour faire croire qu’elle avait des bas. Le tissu manquait. Aussi, l’hiver, elle coupait ses tailleurs dans des costumes que son mari ne portait plus et confectionnait ses corsages, avec des vieilles robes hors-d’usage. La mode évoluait. L’été les robes de la marque Dorville étaient au goût du jour ; elles affirmaient la taille, échancraient le corsage et descendaient  à mi-mollet, mais elles coutaient assez cher à cause de la pénurie en tissu. Et cette année-là, Christian Dior redessinait la femme. C’est pour toutes ces raisons qu’elle s’était mise peu à peu à la couture.

  

 (...)

 

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 14:39

bougie allumée

 

(...)

 

Quand elle arriva ce matin-là, elle crut être en retard. Tous les employés de la Société étaient déjà présents, et semblaient sur le pied de guerre. Elle aurait même pu croire qu’un vent d’insurrection soufflait sur l’entreprise. Mais, en observant bien les différents protagonistes, elle réalisa que cela s’apparentait d’avantage à de la panique. 

La Secrétaire de Direction, en larmes, n’arrêtait pas de consulter et de ranger compulsivement ses dossiers. Le Directeur Commercial semblait anormalement surexcité. Le Directeur  financier était livide. Les chimistes avaient déserté leurs éprouvettes et s’étaient rassemblés dans le hall d’entrée. Les trois Directeurs du marketing des pays clés de l’UE discutaient entre eux avec animation. Le Directeur du Laboratoire vint dans son bureau et lui fournit la raison de toute cette agitation ; le Directeur Général venait d’être limogé, et son poste était repris par un homologue américain, que l’on attendait d’un instant à l’autre.

 

Elle avait bien ressenti la veille qu’il se passait quelque chose d’anormal, mais l’urgence des états financiers et de statistique des ventes qu’on lui réclamait, l’avaient dissuadée de s’attarder à la cafétéria.

 

Il est certain qu’étant accoutumée aux Groupes  anglo-saxons cet état des faits n’était pas pour la surprendre. Le sanctionné avait tout simplement outrepassé les ordres et surtout n’avait pas été la courroie de transmission exacte de ses commanditaires. Il était en outre plus qu’évident que cela n’avait rien à voir avec ses résultats. Car il avait multiplié par seize le chiffre d’affaires de la Société depuis son arrivée. Il avait tout simplement omis d’être l’homme de paille que l’on attendait qu’il soit. En effet, pourquoi vouloir adapter à l’Europe des produits d’Outre-Atlantique qui y étaient invendables. Pourquoi vouloir créer sur place un produit typiquement européen, qui puisse convenir aux Européens. Ce n’était évidemment pas ce que l’on attendait de lui. Il lui aurait fallu convaincre les Européens que le produit américain était celui qui leur correspondait le mieux.                                                                                                                     

 

Si elle en était, malgré le peu de temps dont elle disposait pour établir des relations amicales avec l'ensemble du personnel, en si bon terme avec le Directeur de la recherche et du développement anglais, c’est que la semaine dernière il était venu lui confier qu’il venait d’être mis à pied. Tout le travail auquel il s’était attelé ne correspondait pas à la culture d’entreprise des patrons américains. Elle l’avait réconforté de son mieux, avant qu’il ne soit appelé par un Directeur Général vexé, qui lui avait juré, qu’en fin de compte, il se battrait pour qu’il ne soit pas licencié. Mais comme, on le dit si bien dans les Grands Groupes : « Quand il faut une tête, une tête doit être sacrifiée. »

 

En fin de matinée le nouveau Directeur général entra en fonction. Il n’était pas Américain comme on l’avait d’abord prétendu, mais Anglais.  L’ancien Directeur général le présenta et fit un court discours, expliquant que sa mission était maintenant terminée au sein du Groupe et qu’il passait maintenant le témoin au nouvel arrivant.                                                             

 

La reprise en main fut rapide, sans être pour autant brutale. Les cadres réunis dans la salle de réunion furent tous appelés par leurs prénoms, qu’il avait apparemment  mémorisés, en prenant connaissance de leurs dossiers. Habillé en jean et rangers, il leur dit que les costumes-cravates n’étaient plus de mise et les invita à se vêtir comme lui ; enfin de manière plus décontractée, et leur promis que comme ils étaient maintenant une grande famille, qu’ils pourraient désormais compter sur leurs homologues américains. Si un quelconque problème les préoccupait, ils pouvaient s’adresser directement à lui. Il ne viendrait que rarement en France, car il était résident américain, mais avait été nommé afin de mieux rapprocher l’entreprise de la Direction du Groupe.

 

En face de chacun d’entre eux était posé un paquet, avec l’une de ses cartes de visite ; apparemment un présent qu’il leur  avait apporté. Il les informa également que la réunion commerciale européenne, prévue dans un Relais-Château, était annulée. Mais comme elle avait déjà été réglée, les cadres de l’entreprise y seraient invités pour tout un week-end avec leurs conjoints.  Puis il s’éclipsa, leur signifiant ainsi que la réunion était terminée.

 

Quand ils ouvrirent le paquet, tous purent  y découvrir des objets publicitaires que le Laboratoire avait coutume de distribuer à sa clientèle, ainsi qu’un large tee-shirt orange TU, portant cette mention en grands caractères :

 

I SURVIVED

THE TV 3

LAUNCH 

 

C’était le projet que les Européens essayaient de mettre en place depuis plus de trois ans afin de compenser les carences du TV 2 d’Outre-Atlantique, qui le rendaient invendable dans les pays de l’Union.  Produit mis au point par la  filiale française ; chapotant toutes les autres en Europe, mais dont le brevet final appartiendrait à la maison mère, qui serait ainsi en mesure de rapatrier l’intégralité  de ses  bénéfices aux Etats-Unis.                                                             

 

Il était évident que ce produit fabriqué en Europe supplanterait l’ancien TV 2, et que l’importation du produit américain ne se justifierait plus. Il en résulterait une baisse de production là-bas…Une préférence nationale US venait donc d’être faite en quelque sorte.

 

(...)

 

 

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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 18:57

bougie allumée

(...)

 

 

Elles vécurent plusieurs années ensemble, dans une petite bourgade du Sud-ouest ; s’occupant d’un négoce appartenant aux  parents de son amie. Son frère, installé au Maroc, eut des jumelles, et comme son épouse avait du mal à se remettre de l’accouchement, il la pria de les y rejoindre. C’est là qu’elle rencontra son époux. Enfin qu’elle le vit pour la première fois… en chair et en os. Mais cela, c’est une autre histoire.                                                                                                                                                                    

 

 Les mentalités, là-bas,  étaient fort différentes de ce qu’elle avait connu en Europe. Elle put apprendre, à ses dépens, ce que l’on appelait à très juste titre  « le choc des cultures et l’affrontement des civilisations. »Pour ne rien arranger son mari était fils unique d’une veuve, qui l’appréhenda  rapidement comme une très bonne affaire puisqu’elle avait, à peu de frais, une dame de compagnie, quand son fils se trouvait au bureau. Mais elle était considérée et traitée comme une invitée… chez eux. À de nombreuses reprises, elle avisa de se rebeller, mais le regard d’acier de son époux l’en dissuada. Bien qu’elle n’ait pas eu à se plaindre de lui. C’était un très bel homme, charmant ; qui l’aimait et la choyait. Il lui avait d’ailleurs  acheté ce que tous considéraient à l’époque comme la plus belle salle-à-manger de Tanger. Mais elle était définitivement devenue une femme au foyer, qui était tenue d’obéir au doigt et à l’œil, et ce n’était pas peu dire en Afrique du Nord. Et elle n’avait nul choix, car trois garçons étaient nés de leur union.

 

 

À la mort de sa belle-mère son mari vendit toutes ses possessions au  Maroc, et décida de rejoindre son frère et sa belle-sœur, dont il était le cousin, qui vivaient maintenant en région parisienne. Mais la guerre avait changé la donne.  Quand elle fut terminée, tous les immeubles de leur famille, qui se trouvaient en Europe de l’Est, furent confisqués par les communistes. Ils purent conserver l’appartement dans lequel ils vivaient, mais ils devaient  en régler le loyer à l’Etat. Donc, s’ils étaient rentrés dans leur pays, leur vie aurait été totalement différente de ce qu’ils avaient connu précédemment. Ses frères et sœurs qui étaient restés bloqués là-bas auraient bien aimé échanger leur place contre la leur, car dans les lettres qu’ils lui envoyaient, ils lui faisaient chaque jour part de la très grande pénurie qui y régnait.  Bien qu’en France l’on ne pouvait dire qu’ils étaient mieux lotis.

 

 

La guerre avait fait table rase du monde ancien et il fallait tout réinventer. Ce renouveau s’exprimait par la mode, mais aussi par une certaine évolution des mentalités. Ce qui n’était pas de prime abord pour lui déplaire, car pour vivre et surtout pour  avoir les moyens d’offrir à ses enfants les opportunités qui avaient été les siennes,  il lui fallut explorer de nouvelles pistes, se plier à de  nouveaux métiers. C’est ainsi qu’elle se mit à la couture, et fut bientôt en mesure de réaliser non seulement ses propres robes, mais également des manteaux ou des costumes. Elle acquit même une telle habilité dans ses créations qu’un grossiste accepta de lui  confier deux machines à coudre, du tissu ainsi que des patrons. Le jeudi était le jour de la livraison du travail d’une semaine entière, qu’elle effectuait  à l’aide d’un grand landau. Les vendredis, elle faisait le mannequin avec différents vêtements féminins. Toujours avec son landau chargé, elle démarchait les clients du négociant.   Il lui suffisait d’enfiler les modèles à la suite, dans une cabine d’essayage. Les  magasins choisissaient de commander ceux qui leur avaient plu. Elle était ainsi à son propre compte tout en travaillant à « temps choisi » comme cela se dit maintenant. Car il lui fallait également s’occuper de sa maison et de ses quatre « hommes ».  Mais quand elle réfléchit actuellement aux choix qui ont été les siens, elle peut maintenant affirmer sans crainte de se tromper, qu’elle a jouée toutes les cartes qu’elle avait en main à cette époque. Et l’on peut dire que la donne n’était pas fameuse au départ. Aussi, elle estime avoir le droit de s’enorgueillir du succès de ses enfants ou de s’attrister de leurs échecs, car, pendant tout le temps qu’a duré leur éducation, elle les a aidés  et soutenus du mieux qu’elle a pu. 

 

(….)

 

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