Elle avait emménagé à Paris en 1949 après deux années passées à Bougival, dans la banlieue ouest. Son mari mourut vingt ans plus tard des suites d’une longue et douloureuse maladie.
Ses enfants avaient quitté peu à peu l’appartement, au fur et à mesure de leurs mariages. Elle vivait maintenant seule en compagnie de ses meubles et de ses tableaux, et s’était progressivement trouvé des occupations, en participant à des activités littéraires ou artistiques, qui consistaient généralement à la lecture d’ouvrages qui étaient ensuite commentés, et à la visite guidée des grands Musée nationaux. Parfois, avec une Association culturelle, elle se rendait à un Concert ou encore à une représentation théâtrale à la Comédie Française. Il lui arrivait également d’aller skier avec des amis et de voyager de temps à autre. Elle avait ainsi effectué des séjours organisés en Inde, en Thaïlande, en Angleterre, en Pologne, en Grèce, en Israël ainsi qu’aux Baléares. Elle s’était également essayée au scrabble et au bridge, mais ses partenaires de jeu avaient l’art de l’agacer et de l’exaspérer, aussi elle avait espacé les rencontres, surtout depuis qu’un « biscuit » lui eut été dérobé dans l’une de ses vitrines à l’occasion d’une partie qui s’était déroulée à son domicile. La course aux affaires lors des soldes qui l’avaient tant passionnée quand ses enfants étaient encore à la maison, chez Franck et Fils, par exemple, la fatiguaient maintenant. Aussi l’une de ses belles-filles parisienne, lui faisait ses emplettes. Elle tricotait à l’arrivée de chaque nouveau né et préparait lors des repas de famille l’une de ses nombreuses spécialités d’Europe de l’Est, ainsi que celles apprises lors de son séjour en Afrique du Nord. A l’occasion des anniversaires, elle confectionnait de délicieuses pâtisseries viennoises, mais en si grande quantité que, bien que partagées entre tous, elles prenaient bien une semaine entière avant d’être complètement écoulées. On la sollicitait également pour ses dentelles en relief, spécialités de son pays d’Europe de l’est, qu’il fallait amidonner avant de les repasser longuement.
Depuis que son fils aîné vivait dans la vallée de Montmorency, tout au Nord de Paris, elle aimait y passer quinze jours à la sortie de l’hiver, ainsi que lors des fêtes de fin d’année, et un mois quand la canicule de l’été alourdissait l’air de la Capitale. Tout était calme, tranquille. L’on se serait cru en Province. Elle qui avait tant de mal à s’endormir et se réveillait souvent la nuit, s’assoupissait dès qu’elle était couchée, et dormait comme un bébé. Et maintenant sa belle-fille oserait lui interdire la maison de son propre fils ?
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