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Il est vrai que si nous avions cours à des heures si tardives, c’est parce que les professeurs qui nous les dispensaient se consacraient le jour aux élèves des Grandes Ecoles, où ils étaient beaucoup mieux rémunérés.
Ils arrivaient donc, en fin de journée, fatigués et moins motivés. Alors ils ne nous épargnaient pas, et se faisaient même un malin plaisir à essayer de nous ridiculiser. S’acharnant à nous convaincre que les Universités étaient une insulte à l’intelligence ; que nous détournions honteusement les deniers de l’Etat. Que notre formation ne pourrait jamais rivaliser avec celle des Ecoles réputées. Que nous étions une fabrique de chômeurs. Pour nous en convaincre, il leur arrivait même de distribuer, au hasard de leurs humeurs, des notes dissuasives pour notre cursus.
Cette réputation de sous-étudiants avait fait attaquer la salle de notre petite librairie tenue par l’Unef par des étudiants d’extrême droite d’Assas ; brûlant, saccageant et déchirant les livres que nous nous revendions et achetions, à des prix beaucoup plus avantageux que ceux que nous avions l’habitude d’obtenir chez Gibert Jeune.
Je n’encourus personnellement aucun dommage, car mes livres de Maîtrise de Sciences et Techniques de Gestion rédigés en langue anglaise ne pouvaient être achetés ou revendus par cette librairie d’étudiants, qui concernait surtout les Sciences Humaines. Mais, moi qui ne m’était jamais auparavant préoccupée de voter, et dont l’idéologie première était plutôt conservatrice, car nul membre de ma famille ni moi-même n’avions jamais reçu aucune aide de l’Etat, je commençai peu à peu à me forger une conscience politique.
Cette expérience des conditions d’étude à l’Université me fit rédiger, bien des années plus tard, cet article dans un journal pour lycéens :
Journal Le Lycéen de juin-juillet 2008
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